Le RND a eu une naissance au forceps pour remplacer au pied levé un FLN soupçonné d'intelligence avec Saint'Egidio et qui, sous la férule d'Abdelhamid Mehri, était passé avec armes et bagages à l'ennemi. Ce faisant, il coupait le cordon ombilical avec un pouvoir dont il a été pendant longtemps une excroissance et un faire-valoir. Devant cette place laissée vacante par l'ex-parti unique, le président de l'Etat, Liamine Zeroual, devenu par la suite président de la République, avait besoin d'un relais et d'une interface pour faire passer sa politique. Et c'est tout naturellement que le RND a vu le jour. Pour être le parti du Président. Cette position privilégiée lui permit de rafler la mise au sein des assemblées élues, aussi bien locales que nationales. L'arrivée d'Abdelaziz Boueflika a changé cette donne, les préférences du président de la République allant tout naturellement au FLN, puisqu'il se réclame de la «djebha». Le fait inédit depuis quelques mois, du moins depuis le départ de M.Ali Benflis du gouvernement, concerne l'éclatement de la coalition gouvernementale formée par les deux partis. Malgré la compétition électorale - et c'est normal, - les deux frères ennemis se serraient les coudes au sein de l'Exécutif et au parlement, même si dans les assemblées locales, les alliances se font au cas par cas. Les deux soutenaient la même politique, votaient les mêmes lois, appuyaient le même candidat à la présidentielle. Tout se passe aujourd'hui comme si les problèmes internes au FLN avaient déteint sur les rapports entre le FLN et le RND. Si dans le passé, les différends entre le RND et le RND étaient sous-tendus par des stratégies de gouvernement et des considérations politiques profondes, dont notamment la position vis-à-vis du FIS dissous et de la lutte antiterroriste, la nouvelle bouderie porte plutôt sur des questions de personnes, tant on ne voit pas très bien pour l'instant ce qui divise sur le plan politique Ahmed Ouyahia et Ali Benflis. En faisant référence à une histoire d'argent sale - et je pèse mes mots a-t-il affirmé -, le chef du gouvernement a lancé un pavé dans la mare qui fera très certainement des vagues, et ces vagues risquent de se transformer en une bourrasque qui emportera tout sur son passage. Cette petite phrase de M.Ouyahia ne restera pas sans suite. Le bureau politique du FLN lui demandera sûrement de préciser sa pensée et d'apporter des preuves de ce qu'il avance. Ou tout au mieux de dire ce qu'il entend par «argent sale». Il ne fait aucun doute, par ailleurs, que M.Ouyahia vole au secours du président de la République, au moment où l'image publique de ce dernier est ternie par les révélations faites par la presse, mais aussi par les intimidations contre les journalistes et un parti légal. Ce rapprochement entre les deux têtes de l'Exécutif est-il temporaire ou bien s'inscrit-il dans le temps? Se rendent-ils compte du tort qu'ils causent à la coalition gouvernementale? Ont-ils un autre schéma de rechange? Leur stratégie est-elle peaufinée ou bien agissent-ils à tâtons? L'avenir nous le dira.