En cette fin d'été, les parasols sur la plage se comptent... Béjaïa s'est vidée de ses estivants. Depuis hier une certaine normalité a été retrouvée autant au chef- lieu de wilaya qu'au niveau des différentes stations balnéaires. La circulation est beaucoup moins dense. Dans la rue, peu de monde. C'est déjà la rentrée. Chez les opérateurs économiques, tous types confondus et l'administration l'heure est au bilan. Un bilan mitigé. Comment s'est passée la saison estivale? Quelles sont ses répercutions sur l'économie locale? Qu'avons-nous engrangé comme bénéfices? Des questions que se posent de nombreux commerçants et opérateurs touristiques en pareille période. Classée parmi les premières régions touristiques du pays, Béjaïa reçoit chaque année des milliers d'estivants. Ils s'y rendent pour des séjours de détente et de villégiature. Le flux est tel que tous les services redoublent d'effectifs pour parer à toute éventualité. Les commerçants mettent le paquet, histoire de rattraper le manque à gagner de la saison creuse. La mer a tué 15 personnes Les services de la police et de la Protection civile ont été particulièrement sollicités en cette période de l'année. Une forte sollicitation qui n'est pas étrangère à la nature des visiteurs de Béjaïa. Issue majoritairement des wilayas de l'est du pays où beaucoup de loisirs et de moyens font défaut, cette catégorie de touristes, en majorité des célibataires en mal des plaisirs de la vie atterrissent à Béjaïa, souvent dépourvus de moyens adéquats. Ils élisent domicile au niveau des stations balnéaires de la côte Est essentiellement. Plus de 15 noyés dont la majorité est survenue dans des plages non surveillées ou interdites à la baignade. Ces malheureux étaient des jeunes âgés entre 17 et 23 ans, natifs de Sétif, Batna, Oum El Bouaghi, Tébessa, El Oued et Béjaïa. Fort heureusement que les pompiers avaient intervenu pour sauver d'autres vies. Ils ont effectué plus de 3000 interventions à travers les 33 plages surveillées pour sauver, d'une noyade certaine, près de 2500 baigneurs en difficulté. Pour certains, des soins leur ont été prodigués sur place alors que les autres ont été évacués vers les centres de soins. Les morts ne sont pas l'apanage de la mer. Ceux-là aussi méconnaissent totalement le Code de la route et provoquent souvent des accidents sur les routes. Depuis le début de la saison estivale, près de 200 accidents de la circulation ont été recensés à travers les différentes routes de la wilaya. Une douzaine de personnes y ont laissé leur vie alors que près de trois cents autres ont été blessées. Depuis le début de l'année, la Protection civile a comptabilisé près de 1200 accidents qui ont été à l'origine d'une quarantaine de décès et plus de 1500 blessés. Un bilan macabre dépassant tout entendement. Les feux de forêts se multiplient en été et plus particulièrement durant le mois d'août. Si au mois de juillet on a enregistré plus de 125 départs de feux dont une quarantaine assez importante, en août, leur nombre a doublé. Les flammes ont ravagé un millier d'hectares de végétations, plusieurs milliers d'arbres fruitiers, des centaines de bottes et des dizaines de ruches d'abeilles. Toutes les communes ont été touchées. Kherrata, Taskariout, Darguina, Souk El Tenine, Tamridjt, Aokas, Tizi N'Berber, Tichy, Boukhlifa, El Kseur, Taourirt Ighil, Amizour, Adekar, Akfadou, Tifra, Timezrit, Sidi Aïch, Béni K'sila, Akbou,... etc. A Akfadou, l'assistance des citoyens s'est manifestée aux côtés des soldats du feu pour éteindre les brasiers qui menaçaient les habitations. On aura vu les habitants des villages Imaghdassen, ceux de Tapount et Aït Allouan batailler des heures durant pour faire reculer et dévier des flammes se dirigeant droit sur leurs habitations. Les techniques traditionnelles ont été d'un apport considérable aux soldats du feu. La fièvre aphteuse, qui s'est invitée vers la fin juillet, n'a pas manqué de noircir le tableau de la saison estivale dans la wilaya de Béjaïa. Près d'un millier de têtes, dont 732 bovins, ont été abattues sur ordre des services vétérinaires ou sur initiative des propriétaires. Bien que 22.000 doses de vaccin anti-aphteux ont été utilisées entre mars et juin de l'année en cours, l'épidémie a fait son effet... Depuis la fin du mois de juillet dernier, date d'apparition de cette maladie, 18.000 doses ont été consommées et 3000 autres sont en cours. En tout, pas moins de 43.000 doses de vaccin ont été ramenées à Béjaïa. Cela n'a pas suffi pour éviter au cheptel de cette région d'être contaminé. A voir la densité de la circulation automobile et piétonnière, on pense évidemment à des répercussions économiques importantes pour l'économie locale. Ce ne fut guère le cas. La fièvre aphteuse, le sujet de l'été De tous les opérateurs que nous avons rencontrés hier, rares sont ceux qui affirment leur satisfaction. Outre la catégorie des plus aisés qui s'installent au niveau des appartements et des établissements hôteliers, constituant l'unique catégorie qui profite vraiment à l'économie locale, le reste des touristes sont de modeste condition. Pour ces milliers de jeunes, disposer d'un appartement ou d'une chambre d'hôtel dépasse de loin les moyens dont ils disposent. C'est pourquoi, la nuit tombée, ils s'installent à même la plage pour y passer la nuit sous la belle étoile. Quant à la restauration, ils se contentent souvent du pain, de lait et de limonade. La plage se transforme ainsi en un gigantesque dortoir où dorment des centaines de jeunes dans une insécurité totale et lorsque l'argent vient à manquer, les divers subterfuges pour survivre se présentent comme l'unique recours. «Il arrive souvent que des clients quittent la table sans régler leurs factures. On est obligé d'être vigilant», soutient ce cafetier dont le commerce est situé à cent mètres de la place centrale de Tichy. «Nous ne savons vraiment pas comment s'y prendre avec ces gens», renchérit-il. A tout instant un vol a la sauvette est annoncé à la police. Des pompiers interviennent souvent pour sauver des baigneurs affaiblis et ne connaissant aucune règle de la baignade. Ces touristes, d'un autre genre, sont majoritaires et inquiètent de par leur comportement sur les routes et les plages. Cette présence majoritaire de vacanciers sans moyens est source de soucis autant pour d'autres vacanciers que pour les autorités. «Nous sommes une cible indiquée pour les vols», raconte ce touriste venu d'Oran victime de vols sur la plage. «Pour une minute d'inattention, occupé à récupérer ma fille dans l'eau et je perds mon portable, mes lunettes de soleil», explique-t-il. Des cas similaires sont légion au point où la police des plages ne surveille que les voleurs à la tire. Devant ce constat, peut-on réellement parler de tourisme à Béjaïa. Ces visiteurs qui se comptent par millions sont-ils profitables à l'économie locale? assurément pas, répond cet économiste de l'université de Béjaïa, qui estime que «les touristes de cette catégorie engrangent plus de dépenses à la région que de gains». «Autant ils ne font pas fonctionner le commerce autant ils induisent des efforts à fournir par les collectivités», résume-t-il. Le bilan est plutôt catastrophique dans tous les domaines. Accidents de la circulation, noyades, feux de forêts en plus de cette épidémie de fièvre aphteuse avec cette psychose chez les consommateurs, la saison estivale qui s'achève aura été un fiasco.