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Ce qu'il faut espérer de cette usine
RENAULT ALGERIE SERA INAUGUREE DEMAIN
Publié dans L'Expression le 09 - 11 - 2014


La Symbol de chez nous bientôt sur nos routes
Elle aura dans un premier temps une capacité de production de 25.000 véhicules par an, 350 emplois directs à la clé, pour arriver dans une seconde phase à 75.000 unités/an.
La nouvelle usine Renault Algérie sous le nom «Renault Symbol», des véhicules destinés au marché intérieur algérien, le deuxième plus grand d'Afrique avec plus de 400.000 véhicules importés chaque année, détenue à 51% par l'Etat algérien et 49% par le constructeur français, sera inaugurée demain 10 novembre en présence du Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal, des ministres français des Affaires étrangères Laurent Fabius, de l'Economie Emmanuel Macron et du P-DG Carlos Ghosn. Cela fait suite à l'accord signé lors d'une visite à Alger du président François Hollande en décembre 2012. Cette usine aura dans un premier temps une capacité de production de 25.000 véhicules par an, 350 emplois directs à la clé, pour arriver dans une seconde phase à 75.000 unités/an. A titre de comparaison, selon Usine Nouvelle, le directeur général de Renault Maroc, Jacques Prost, a annoncé que la production 2014 à Tanger (Dacia Lodgy, Dokker et Sandero) s'établirait à plus de 180.000 véhicules, en deçà de l'objectif de 340.000 unités par an évoquée lors du lancement de la deuxième phase de l'usine en octobre 2013 du fait que «l'usine souffre de la faible croissance du marché européen, son principal débouché». Pour le cas Algérie, ce sera dans une première phase une unité de montage et nous ne devons jamais oublier pour l'avenir que les contraintes internationales sont là. Face aux mutations mondiales, la filière automobile connaît des restructurations, des fusions et des délocalisations des grands groupes, avec des capacités de production élevées. Tout en évitant toute vision négative devant aller vers un véritable co-partenariat (gagnant-gagnant), il s'agira impérativement d'assurer pour la fiabilité de ce projet sa rentabilité face aux nouvelles mutations de cette filière.
L'année 2012 a été exceptionnelle avec un volume de 568.610 véhicules importés pour une valeur de 514,43 mds de DA (6 milliards de dollars environ) contre 390.140 véhicules en 2011 (354,16 mds DA) la raison essentielle ayant été la forte augmentation des salaires. Selon le Centre national de l'informatique et des statistiques (Cnis) des Douanes, le nombre a connu une décroissance en 2013 n'ayant pas dépassé 400.000 et entre le premier semestre 2013 et le premier semestre 2014 le nombre de voitures importées est passé de 322.058 à 240.931 unités, soit une baisse de 25%. Pourtant, les achats restent importants, et en valeur, les importations sont passées de 3,21 mds milliards de dollars contre 3,97 mds de dollars à la même période en 2013.
Cependant ce pouvoir d'achat artificiel des Algériens doit tenir compte du fait que la majorité de la société algérienne est irriguée par la rente des hydrocarbures dont l'évolution des cours détermine fondamentalement le pouvoir d'achat des Algériens. Plus de 70% de la population active algérienne touchent un revenu moyen inférieur à 30.000 DA. Dans ce cas, par rapport au pouvoir d'achat réel en baisse, que reste-t-il pour, en termes de pouvoir d'achat réel, acheter une voiture?
Une usine de véhicules pour quel marché?
Le rétablissement du crédit à la consommation prévu pour 2015 permettra-t-il de dynamiser les achats? Le deuxième constat est que, faute d'unités industrielles spécialisées, la plus grande part des pièces de rechange est importée. Aussi, toute étude de marché sérieuse suppose que l'on réponde au moins à des questions stratégiques: construit-on actuellement une usine de voitures pour un marché local alors que l'objectif du management stratégique de toute entreprise n'est-il pas régional, voire mondial, afin de garantir la rentabilité financière face à la concurrence internationale, et cette filière n'est-elle pas internationalisée au regard des sous-segments s'imbriquant au niveau mondial?
La comptabilité analytique distingue les coûts fixes des coûts variables. A quels coûts hors taxes l'Algérie produira-t-elle cette voiture et en tendance avec un dégrèvement tarifaire allant vers zéro, selon les accords qui la lient à l'Union européenne lesquels seront appliqués? Dans ce cas, quelle est la valeur ajoutée interne créée par rapport au vecteur prix international (balance devises tenant compte des inputs importés et de l'amortissement tous deux en devises)? La carcasse représentant moins de 20/30% du coût total, c'est comme un ordinateur, le coût ce n'est pas la carcasse (vision mécanique du passé), les logiciels représentant 70/80%, et ne pouvant interdire l'importation, la production locale sera-t-elle concurrentielle en termes du couple coût/qualité dans le cadre de la logique des valeurs internationales? C'est comme un parfum ou un habit griffé, le consommateur achète également la marque: comment s'appellera la voiture algérienne? Et cette industrie, étant devenue capitalistique, quel est le nombre d'emplois directs et indirects créés, puisqu'un certain nombre d'emplois indirects restent les mêmes (garages, magasins), et avons-nous la qualification nécessaire tenant compte des nouvelles technologies appliquées à l'automobile? L'Algérie allant vers l'épuisement de pétrole en 2025, de gaz en 2030, ces voitures fonctionneront-elles à l'essence, au diesel, au GPL, au GNW (pour les tracteurs, camions, bus), ou seront-elles hybrides ou solaires, avec la révolution technologique qui s'annonce? Quel sera le prix de cession de ces carburants et la stratégie des réseaux de distribution pour s'adapter à ces mutations technologiques? A-t-on pensé au nouveau modèle de consommation énergétique qui concerne également d'autres utilisateurs?
La mondialisation est là et le principal défi des gouvernants au XXIe siècle est la maîtrise du temps par une meilleure gouvernance, tant locale que mondiale, devant tenir compte de la concurrence internationale comme facteur d'adaptation.
La mentalité bureaucratique rentière ignore ce facteur déterminant qui tient compte des contraintes externes et internes. Si l'on veut éviter le gaspillage des ressources financières, évitons la précipitation, opter pour le pragmatisme et bien négocier la dynamisation future de ce co-partenariat si l'on veut qu'il puisse durer dans le temps. Comment ne pas rappeler qu'au Maroc, l'usine Renault de Tanger produit deux nouveaux modèles Entry (entrée de gamme): la famille Dacia Lody et un petit véhicule utilitaire, également décliné en version véhicule particulier. Ce site industriel permettra d'augmenter les volumes et d'élargir l'offre de la gamme M0 sur une ligne de production à capacité de production annuelle de 170.000 véhicules; à terme, la capacité passera à 400.000 véhicules/an.
Par ailleurs, les impacts sur l'environnement de l'usine Renault de Tanger sont réduits: les émissions de CO2 sont réduites de 98%, soit environ 135.000 tonnes de CO2 évitées par an. Ces résultats ont été obtenus grâce à des innovations dans les différentes étapes de fabrication, à l'utilisation d'énergies renouvelables ainsi qu'à une gestion optimisée du cycle de l'eau.
Les perspectives de Renault-Algérie
Dans la pratique des affaires internationales, les firmes sont autonomes dans leur management stratégique. Les managers sont responsables devant leurs actionnaires. Il faut que cette unité soit rentable pour la France et l'Algérie. Dans la pratique des affaires, les sentiments n'existent pas et cela concerne tous les investisseurs qui veulent s'installer en Algérie: Chinois, Arabes, Américains, etc. D'où l'importance de développer les relations en réseaux, des relations interentreprises et d'impliquer la société civile et les universités. Soyons réaliste: ce sera une unité non rentable, à court terme, l'Algérie supportant les surcoûts, donc des subventions qui doivent être transitoires. A court terme, ces surcoûts seront supportés par le Trésor via les hydrocarbures qui génèrent 98% des recettes en devises, pouvant être assimilés au coût de la formation et du transfert technologique, afin que les Algériens sachent construire une voiture par eux-mêmes. Le taux d'intégration souhaitable à terme devrait être au maximum de 50% à 60%; en cette ère de mondialisation, n'existe nulle part dans le monde une firme avec une intégration de 100%, et ce, afin de réduire, grâce à la sous-traitance par des réseaux décentralisés, les coûts et être compétitifs.
Augmenter les capacités et le transfert technologique et managérial
Pour la pérennité de l'usine Renault-Algérie, il s'agira de favoriser l'émergence et l'interaction positive des différentes parties prenantes composant les organisations, que ces parties prenantes soient internes (salariés, managers) ou externes (fournisseurs, clients), du fait que l'économie est de plus en plus ouverte et que les firmes travaillent avec des parties prenantes éparpillées à travers le monde. D'où l'importance pour Renault-Algérie du management des connaissances (knowledge management) qui requiert plus que jamais la maîtrise appropriée de technologies de l'information et de la communication (TIC). Dans cette perspective dynamique, d'adaptation à ces mutations, les réponses apportées doivent favoriser les pôles d'activité compétitifs et dynamiques, d'autant plus que l'Algérie, face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales, doit penser d'ores et déjà à la transition énergétique avec l'épuisement de ses ressources d'hydrocarbures traditionnels à l'horizon 2030. Pour l'Algérie qui possède d'importantes potentialités, il devient impérieux de relancer son tissu productif et cette usine doit s'inscrire dans le cadre d'un co-partenariat gagnant-gagnant en investissant dans l'économie de la connaissance. Le projet de Renault en Algérie, et d'ailleurs de tout autre projet restructurant, doit permettre d'accroître la valeur ajoutée interne et créer des emplois productifs et non des emplois/rentes, face à la concurrence internationale. Il faut placer l'entreprise et le savoir au coeur de la stratégie, devant cibler à terme l'exportation, notamment vers le continent africain qui à l'horizon 2030 sera le continent qui dynamisera l'économie mondiale.
En conclusion, l'Algérie ne doit privilégier que ses intérêts propres et tisser également des co-partenariats avec d'autres pays (Espagne- Italie- Canada) et à cette occasion je salue la stratégie du ministère de la Défense qui vient d'inaugurer bon nombre de réalisations industrielles avec nos amis allemands qui auront un impact, à l'instar de toutes les industries militaires, sur la société civile. Egalement avec nos amis américains, la coopération algéro-américaine étant en marche comme exemple les contrats récents entre Général Electric et Sonelgaz, sans oublier les nombreux partenariats avec les pays émergents dont la Chine. Le défi de l'Algérie est la nécessaire adaptation aux nouvelles mutations mondiales en réhabilitant l'entreprise publique, privée locale et internationale en lui enlevant toutes les contraintes d'environnement dont la bureaucratie paralysante, et son fondement l'économie de la connaissance. C'est que la politique socio-économique, depuis l'indépendance politique, a été menée exclusivement par l'Etat, avec plusieurs variantes d'organisation: autogestion 1963/1965, sociétés nationales 1965/1979, réorganisation des sociétés nationales en micro-sociétés de 1980/1987, fonds de participation (1988/1994) holdings 1995/1999 en cinq méga-holdings en 2000, sociétés de gestion des participations de l'Etat (SGP) 2003/ à nos jours et, actuellement, l'on parle de groupes industriels. Or, l'efficacité d'une organisation est subordonnée d'abord à une cohérence et visibilité dans la démarche. Ensuite, celle-ci doit d'insérer au sein d'une stratégie de moyen terme.
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