Les Rafales français entrent en action. Quel en sera le résultat? Si «le chaos syrien doit trouver une réponse globale», comme se plaît à le revendiquer Hollande, ladite réponse ne saurait être vraiment globale sans l'adhésion de toutes les parties au conflit. C'est aujourd'hui que s'ouvre à New York la 70ème Assemblée générale de l'ONU, au lendemain des premières frappes aériennes en Syrie annoncées par le président français. Constant dans sa démarche qui épouse rigoureusement les objectifs tracés par son prédécesseur Nicolas Sarkozy, François Hollande a encore affirmé que «plus que jamais, l'urgence est à la mise en place d'une transition politique, qui associe des éléments du régime et de l'opposition modérée», à condition que «les populations civiles soient protégées contre toutes les formes de violence, celles de Daesh et des autres groupes terroristes, mais aussi contre les bombardements meurtriers de Bachar al-Assad». Tel n'est plus le point de vue de ses alliés au sein de la coalition, mais pas seulement. Après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne qui commencent prudemment à évoquer la possibilité de discuter avec Bachar al Assad, d'abord par Russie et Iran interposés, puis directement, voilà le tour de la chancelière Angela Merkel qui reconnaît l'inéluctabilité d'une telle approche, constatant que toutes les voies jusqu'alors n'ont donné aucun résultat. En marge de la réunion des pays européens à Bruxelles, jeudi dernier, elle a pour la première fois évoqué sans faux-fuyant la nécessité de «discuter avec Bachar al Assad», ainsi qu'avec l'Iran et l'Arabie saoudite. A New York, on attend avec une certaine fièvre l'intervention du président russe Vladimir Poutine qui abordera la question syrienne et justifiera les renforcements de l'aide apportée au régime Al Assad. Moscou a plusieurs raisons de s'investir puissamment, comme nous l'avons déjà expliqué concernant les enjeux en Europe et en Méditerranée. Mais d'autres facteurs, moins connus, s'ajoutent à ces motivations, tel le nombre important de jeunes Russes qui ont rejoint les rangs de l'Etat islamique. On parle, en effet, de plusieurs milliers de recrues et ce chiffre n'est pas sans alarmer le Kremlin. Dans un tel contexte, les frappes «ciblées» de la France qui argue d'une action menée «sur la base de renseignements collectés au cours des opérations aériennes engagées depuis plus de deux semaines», en clair les bases de l'Etat islamique, sont censées illustrer un fléchissement latent de la position intransigeante que Hollande affiche encore, sans trop d'illusion. Le virage adopté par les Etats-Unis et leurs alliés entraînera ipso facto le revirement de ceux qui ont du mal à se faire à la realpolitik parce qu'ils obéissent à des choix sur lesquels ils n'ont qu'une maîtrise toute relative. Ces évolutions imposées par la donne russo-iranienne ne sont pas pour plaire à Israël, non plus, mais le récent voyage de Netanyahu à Moscou ne visait-il pas à dissiper les inquiétudes de l'Etat sioniste? Si «le chaos syrien doit trouver une réponse globale», comme se plaît à le revendiquer Hollande, ladite réponse ne saurait être vraiment globale sans l'adhésion de toutes les parties au conflit et de leurs soutiens respectifs, et sans la présence inclusive de tous les pays qui comptent dans la région, soit l'Iran et l'Arabie saoudite, d'une part, et l'Irak, de l'autre. Ce dernier s'est d'ailleurs promptement investi dans la perspective d'un tel enjeu, puisque le gouvernement irakien vient de conclure un «deal» avec la Syrie de Bachar al Assad, l'Iran et la Russie en vue d'une étroite coordination de leurs services de renseignements contre les groupes de Daesh, d'Aqmi et autres. Rien que pour Daesh, les Américains ont révélé que 30.000 recrues sont venues de l'étranger en 2015, soit le double du nombre fin 2014. Sur le plan diplomatique, quatre ans d'un conflit meurtrier ayant fait 240.000 morts ont abouti à une impasse totale, malgré la coalition internationale menée par les Etats-Unis qui ont bombardé près de 7000 fois (4444 frappes sur l'Irak et 2558 sur la Syrie), et les agitations sournoises des Turcs, des Qataris et des Saoudiens qui alimentent les groupes rebelles hostiles au régime chiite d'Al Assad complètement épuisé mais sauvé par le soutien de l'Iran et surtout de la Russie, revenue en force sur le théâtre syrien pour remettre, progressivement, les pendules à l'heure.