Cette nervosité ramadhanesque semble être un sport national où chacun veut être le champion. La nervosité ramadhanesque semble être un sport national où chacun veut être le champion. Certaines personnes passent leur journée à provoquer leur prochain, elles n'attendent que quelqu'un réponde pour «mordre»... Pendant le Ramadhan, il n'y a pas que les routes qui tuent! Huit jours de jeûne et déjà huit assassinats! On cite l'exemple de ce jeune homme de 22 ans qui a assassiné son père à El-Khroub (Constantine) quelques minutes avant le «f'tour», ou encore cet oncle qui tue son neveu dans son sommeil, un autre qui tue son frère et poignarde sa femme, une jeune fille qui tue son petit ami dans sa voiture...La rubrique des faits divers ne désemplit malheureusement pas durant ce mois censé être sacré! Il faut dire que quand on voit le comportement de certains jeûneurs, on comprend vite pourquoi cela tourne vers l'irréparable. Ils sont de mauvaise humeur, font dans la provocation et l'incivilité avant de mettre tout ça sur le dos du pauvre «Ramadhan». Certaines personnes nous font comprendre qu'il ne faut pas trop les approcher en ces jours de Ramadhan car elles «mordent». «Attention, jeûneur méchant!» D'ailleurs, même les masqués n'échappent pas à cette triste réalité. Dans une petite commune de la wilaya de Djelfa, les tapis de prières se sont transformés en véritable ring de boxe. Ça tapait de partout à cause d'une... pastèque. En fait, cette nervosité ramadhanesque semble être un sport national où chacun veut être le champion. Certaines personnes passent leur journée à provoquer leur prochain, elles attendent que quelqu'un réponde à leurs 'bêtises'' pour se rouler par terre. A Dar El Beïda (banlieue est d'Alger), le premier jour du Ramadhan, un jeune homme est allé s'acheter de la zlabia. Jusque-là rien d'anormal, sauf qu'au lieu de se garer au milieu de la petite route à double voie, non, pas en deuxième position comme le font ses camarades d'incivilités, mais carrément au milieu, et obligent les autres véhicules à slalomer pour pouvoir passer. Des carambolages ont été évités de justesse, mais cela ne semblait nullement déranger notre ami qui regagnait comme une fleur sa voiture après avoir fait ses commissions. Bien sûr, énervés les autres automobilistes lui ont klaxonné et fait la remarque. Il n'a pas trouvé mieux que de les insulter provoquant une grosse bagarre! C'est donc l'exemple type du provocateur d'altercations! Les Dr Jekyll et Mr Hyde du Ramadhan H'sinate, un architecte exerçant chez un promoteur étranger, en fait partie il a accepté de témoigner...après le f'tour bien sûr!Pour lui, «Ramadhan rime avec altercation». De nature calme et pondéré, notre architecte qui se dit «conscient de son défaut», devient exécrable quand il jeûne. «Je me bats avec tout le monde pour des broutilles, je vais même jusqu'à provoquer les gens... Je suis comme un drogué», affirme-t-il, d'un air désolé. «Mais le soir quand je mange, je reprends mes esprits et là je prends conscience de mon comportement et je le regrette», explique-t-il, non sans «aller ensuite demander des excuses» quand cela est possible. Pour éviter le pugilat, H'sinet préfère prendre son congé au mois de Ramadhan. «Cela m'évite de sortir pendant la journée et me battre avec mes semblables», rapporte cet architecte. Ils sont beaucoup comme lui. De vrais anges en temps normal, mais des «bêtes» féroces prêtes à attaquer durant le Ramadhan. De vrais Dr Jekyll et Mr Hyde... «S'il te plaît, ne le réveille pas», lance Abdou à un des amis de son grand frère. «Je préfère tenir la boutique seul, plutôt qu'il vienne m'empoisonner la journée; je vais m'en sortir», lance-t-il en parlant de son frère, Alilou. Les deux frangins sont associés dans un magasin mais à cause de l'attitude de Alilou, pendant le Ramadhan, Abdou rétorque: «Je préfère qu'il reste à la maison» dit son petit frère. «Il se bagarre avec les clients, ils est de mauvaise humeur et c'est moi qui doit rattraper le coup.» Sabrina souffre plutôt de la présence de son père durant le Ramadhan. Rencontrée au niveau du marché de Kouba à Alger, la jeune fille rapporte que sa mère prend des précautions à l'égard de son père. Est-il dangereux à ce point? «Non, mais ma mère refuse de le sortir, elle le séquestre à la maison dans sa chambre devant la télé. Sinon, elle sait qu'il va s'en prendre à toute la ville...», ironise-t-elle. «Allah Ghaleb, mon frère, je suis fait comme ça, je suis nerveux et je suis conscient de cela. Mais c'est ma nature. Rien ni personne ne pourra me changer», se résigne pour sa part Laïd, enseignant dans un collège dans la banlieue d'Alger. Les victimes désemparées Comme Laïd, beaucoup de personnes interrogées se disent conscientes de leur défaut mais ne font rien pour s'en débarrasser! Qu'en est-il des victimes de cet incivisme? «Dis-moi, que peut-on faire concrètement contre l'incivisme au quotidien sinon se comporter soi-même avec respect?», s'interroge Sofiane, employé dans une banque. «Il y a des jours où je rentre fatigué pas par le travail, mais par ce que j'ai vu ou entendu tout au long de la journée au boulot, dans les transports, en voiture, à pied, dans la rue...», témoigne-t-il. «Crachats, insultes, agressivité, vulgarité dans le langage, stupidité, petite délinquance... ça n'arrête pas. Et ça s'accroît encore plus pendant le mois sacré», poursuit-il. «Vous me direz que c'est propre aux grandes villes mais j'ai voyagé dans ma vie, je me suis même installé durablement à divers endroits et franchement, on est quand même à un cran au-dessus!», se désole-t-il. Pour Sofiane, c'en est trop: «J'aimerais pouvoir agir spécialement sur notre communauté, et je ne sais pas comment (autrement qu'en distribuant des baffes même si parfois ça me démange)». Alors que faire? «Pourquoi ne pas essayer de parler avec les inciviques?», lui demandons-nous. «J'ai déjà essayé et cela ne mène qu'à l'escalade et la violence», répond Sofiane. Il assure également ne plus savoir que faire. «Je songe sérieusement à quitter encore une fois le pays rien que pour ces comportements», confiet-il. Pour lui, les raisons de cette anarchie sont simples: «Le laisser-aller de l'Etat, la démission des parents. Mais surtout l'école qui n'accomplit pas sa mission d'éducation.» Vous êtes donc avertis, attention à approcher certains jeûneurs...ils mordent!