Vaste opération. Fini les mixtures qui soignent tout et n'importe quoi. Le créneau a attiré beaucoup de charlatans. Et leur succès a engendré d'énormes profits. Il faut savoir que les Algériens ont une histoire avec les plantes... Coup sur coup. Il y a eu d'abord la création de la Fédération nationale des professionnels des plantes et des produits naturels, le 7 février dernier. Ensuite et seulement deux semaines après, la direction du commerce de la wilaya d'Alger décide de fermer 155 herboristeries dans la capitale. Ces fermetures ont été décidées au motif que «les propriétaires n'exerçaient pas l'activité portée sur leur registre du commerce et y pratiquaient plutôt la médecine alternative qui n'est pas enseignée en Algérie». Notez bien le fait que cette médecine n'est pas enseignée en Algérie. Ce sera utile pour la suite. Suivent d'autres accusations plus sévères, pour ne pas dire graves. Ces herboristeries proposaient à la vente «des mixtures dont les composés et origine restent inconnus et dont les effets sont néfastes pour la santé des citoyens, notamment ceux présentant des maladies chroniques». Il est même question de quelque chose qui ressemble à un «bloc opératoire» lorsque la direction du commerce accuse «les propriétaires de ces boutiques de pratiquer la «hijama» (médecine ventouse) alors qu'ils n'ont pas les qualifications requises, cette médecine n'étant pas enseignée dans les universités algériennes». Et dans la foulée il est même question de pratique de la roquia. La direction du commerce compte transmettre ces dossiers à la justice. A ce stade, une première question s'impose: d'où proviennent ces «professionnels» qui composent la fédération nouvellement créée puisqu'il est admis que l'enseignement de cette filière n'existe pas dans notre pays? Un enseignement vivement conseillé par le président du Conseil de l'ordre des médecins. Reste à savoir où trouver les formateurs. Il n'y a aucun doute, nous sommes en présence d'un problème «découvert» sur le tard avec des «solutions» aussi hasardeuses que les mixtures incriminées. Laissons de côté toutes ces incohérences et abordons le sujet avec méthode. L'herboristerie en Algérie et la médecine alternative qui en découle étaient le seul recours des malades algériens pendant la colonisation. L'accès aux soins modernes était impossible pour l'immense majorité. D'abord, par leur statut «d'indigènes», c'est-à-dire l'exclusion. Le principal barrage mis en place était le coût de ses soins hors de portée de leurs maigres revenus. C'est dans ces conditions que les herboristes prospéraient. Il n'y avait pas un marché sur le territoire national sans un étal de plantes variées avec des vertus supposées multiples. Et puisque les fermetures concernent la capitale, il nous faut rappeler le plus connu des herboristes d'Alger avant l'indépendance. On le connaissait sous le nom de Si Lakhdar. Certains y ajoutaient «Tabib» (docteur). Il avait commencé par exercer au quartier de Belouizdad (Belcourt). Son affaire marchait plutôt bien puisqu'il construisit un bain maure à Birkhadem en réservant un local attenant pour délocaliser son herboristerie. Il «diagnostiquait» la maladie par un examen sommaire du patient (palpation du poignet), mais au lieu d'une ordonnance il écoulait la «mixture» qu'il prétendait être le remède. Certaines fois, l'effet placebo aidant, le mal disparaissait. Le «bouche-à-oreille» faisait la suite. Ses étagères étaient pleines de ces mixtures préparées à l'avance. Il y en avait pour toutes les maladies. Ceci pour dire que l'herboristerie fait partie de notre histoire. Qui n'a pas en mémoire les vertus du «Chih» ou de «lehalba» ou même des «ventouses» appliquées sur le dos et les saignées à vif? Qui n'a pas en mémoire ces coiffeurs qui arrachaient les dents et pratiquaient également la circoncision? Qui ne connaît pas l'existence des tisanes de verveine ou de tilleul? Toutes ces médecines alternatives ont disparu du paysage depuis l'indépendance, mais visiblement pas de la mémoire collective. Ce sur quoi ont pu «jouer» les nouveaux herboristes qui ont pignon sur rue dans les grandes artères des villes. Avec des produits (mixtures) importés principalement d'Asie. D'ailleurs, la polémique sur les vaccins à l'école confirme que les anciennes croyances ont la vie dure et laissent peu de place à la science. Sinon le fameux RHB contre le diabète n'aurait jamais pu concurrencer l'insuline. Il n'en demeure pas moins que s'il y a un procès à faire ce ne peut être que celui des charlatans. Pas celui de l'herboristerie, de la pharmacopée ou de la phytothérapie. Ce sont des spécialités en relation avec les plantes interdites en France depuis Vichy, mais qui sont toujours enseignées en Allemagne, en Belgique, en Suisse. C'est à ces derniers pays que l'Algérie devrait penser si le projet de formation dans ces filières devait prendre forme. Une chose est sûre, ce secteur doit impérativement être pris en charge. Dans son aspect formation. Avec aussi des textes réglementaires pour combler le vide actuel. L'Algérie regorge de plantes dites sauvages, mais aux propriétés avérées. Culinaires, médicinales ou autres. Il faut juste que l'action qui vient d'être entamée par les pouvoirs publics soit bien menée. Avec méthode! [email protected]