Le chef de la diplomatie turque a d'ailleurs de nouveau rejeté la stratégie américaine. «Nous disons depuis le début que le langage menaçant et les sanctions n'auront aucun résultat. Nous l'avons répété aujourd'hui», a-t-il dit à la presse à Singapour. Pas de sortie de crise entre les Etats-Unis et la Turquie: le chef de la diplomatie américaine a rencontré hier son homologue turc pour réaffirmer sa «détermination» à obtenir la libération d'un pasteur américain, mais Ankara continue de rejeter les «menaces» de Washington. Mike Pompeo et Mevlüt Cavusoglu se sont entretenus à l'abri des caméras en marge d'un forum de pays d'Asie du Sud-Est à Singapour, alors que les relations déjà très tendues se sont encore envenimées autour du sort du pasteur Andrew Brunson, en résidence surveillée en Turquie où il est jugé pour «espionnage» et «terrorisme». L'administration de Donald Trump a en effet annoncé cette semaine des sanctions contre les ministres turcs de la Justice et de l'Intérieur, Abdulhamit Gül et Süleyman Soylu, pour leur rôle dans cette affaire. Le coup de froid entre les deux pays, pourtant alliés au sein de l'Otan, s'est alors mué en l'une des plus graves crises américano-turques depuis des décennies. A Singapour, les deux délégations ont salué une conversation «constructive». Mais le ton reste à la fermeté de chaque côté. «Les Turcs avaient été prévenus qu'il était temps qu'ils nous rendent le pasteur Brunson, et j'espère qu'ils vont voir» ces sanctions «pour ce qu'elles sont, la preuve de notre grande détermination», a déclaré avant la rencontre Mike Pompeo à des journalistes qui l'accompagnent en Asie. «Le pasteur Brunson est un pasteur innocent et ils doivent le laisser rentrer aux Etats-Unis. Ils doivent laisser partir nos personnels employés là-bas, tout le monde doit pouvoir partir. C'est ça le message», a-t-il insisté. Deux employés locaux des missions américaines en Turquie sont actuellement en détention et un autre est assigné à résidence. M. Pompeo a toutefois assuré «espérer» pouvoir trouver «une issue» à cette crise. A l'issue de l'entretien, sa porte-parole, Heather Nauert, a déclaré que les deux pays allaient «continuer à essayer de résoudre leurs problèmes». «Avec M. Pompeo, nous avons discuté de la manière de résoudre nos problèmes, de la manière de prendre des mesures ensemble», a acquiescé Mevlüt Cavusoglu, saluant une «rencontre constructive au plus haut point». Mais «on ne peut pas s'attendre à ce que tous les problèmes soient résolus après une seule rencontre», a-t-il ajouté, alors que les deux ministres se sont en fait rencontrés et entretenus au téléphone à plusieurs reprises, sans résultat jusqu'ici. Le chef de la diplomatie turque a d'ailleurs de nouveau rejeté la stratégie américaine. «Nous disons depuis le début que le langage menaçant et les sanctions n'auront aucun résultat. Nous l'avons répété aujourd'hui», a-t-il dit à la presse à Singapour, plaidant pour «la diplomatie et le dialogue, une compréhension mutuelle et des accords». Ankara a d'ores et déjà promis des représailles après les sanctions américaines jugées «inacceptables», même si aucune mesure n'a encore été annoncée. Donald Trump, son vice-président Mike Pence et Mike Pompeo ont fait de la libération du pasteur une priorité. Ils ont haussé nettement le ton la semaine dernière après le placement en résidence surveillée d'Andrew Brunson qui a passé un an et demi en détention et encourt jusqu'à 35 ans de prison. Au lieu d'apaiser les tensions, cette décision de la justice turque a envenimé la crise entre les deux pays dont les relations se sont détériorées ces derniers mois notamment au sujet du conflit en Syrie. Andrew Brunson est accusé de terrorisme et d'espionnage pour le compte de deux organisations classées «terroristes» en Turquie, le réseau du prédicateur Fethullah Gülen, qui vit aux Etats-Unis, et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Mais il se dit innocent, avec le soutien de l'administration américaine. Ankara réclame de son côté, sans succès jusqu'ici, l'extradition de Fethullah Gülen, désigné par le président Recep Tayyip Erdogan comme le cerveau du putsch avorté de juillet 2016 en Turquie, ce que l'intéressé réfute.