Mosquées fermées, pèlerinages annulés, rassemblements suspendus... Face à la propagation du Covid-19 et en dépit de certaines réticences, les musulmans du monde entier ont dû s'adapter. Mais le plus dur est à venir. Dans une semaine ce sera le Ramadhan. Ce mois sacré jouit d'une grande considération dans le monde musulman et notamment en Algérie. Il y a, depuis de nombreuses générations, des traditions permanentes pour l'accueillir, le célébrer et le glorifier. Quelques jours avant et durant tout le Ramadhan, l'ambiance est généralement plantée: senteurs des plats et des friandises, marchés populaires combles, soirées en famille, terrasses, commerces et plages envahies. Sans compter les salles et les spectacles en plein air. Le Ramadhan, c'est aussi une forte affluence de fidèles vers les mosquées, notamment pour la prière d'El Ichaa et les tarawih. Que restera-t-il de ces habitudes en ces temps de coronavirus? L'épidémie impose aujourd'hui de rester chez soi, d'éviter les lieux publics et de prendre des distances de sécurité avec son propre voisin. Il n'y aura plus de visites familiales, plus de soirées avec les amis ni les tarawih. Le Ramadhan perdra de sa saveur certes, mais c'est un passage obligé si on veut sauver la vie de ceux qu'on aime. D'ailleurs, c'est l'islam qui le recommande puisque causer la maladie d'autrui est un péché comme l'a rappelé, dernièrement la commission des fatwas du ministère des Affaires religieuses. Cette autorité religieuse a appelé les citoyens touchés par le Covid-19 «à ne pas le cacher et à déclarer la maladie impérativement auprès des services de santé compétents». Elle les exhorte à se conformer au confinement sanitaire et à suivre le traitement afin de ne pas contaminer les autres. «Celui qui cache sa maladie et entraîne la contamination d'autrui commet un péché, ainsi que celui qui sait qu'une personne est atteinte et tait l'information», avertit la commission. Elle a aussi invité les bienfaiteurs à surseoir à la pratique courante durant ce mois, qui est d'offrir des repas collectifs pour les démunis ne manquant pas de préciser, cependant que cela ne doit pas entraîner l'arrêt des actions de bienfaisance. Dans le même sillage, la commission des fatwas invite les citoyens et citoyennes à adapter leurs actions de charité à la situation actuelle en faisant des dons sous forme de produits alimentaires ou en argent. En fait, la commission demande simplement aux musulmans de s'accommoder à la crise sanitaire. Mais avec l'approche du mois sacré, les polémiques enflent et certains s'interrogent sur la nécessité d'interdire ou non les tarawih alors que d'autres ont concédé l'inobservance du jeûne en cette conjoncture sanitaire. Pour mettre un terme à ces controverses, le Haut Conseil islamique a émis un communiqué clair dans lequel il a rappelé à l'ordre concernant des fatwas prononcées, rappelant que ces dernières sont soumises à une commission spécialisée. «L'institution habilitée à émettre des fatwas dispose d'une commission composée des meilleurs de nos savants, dont des membres du Haut Conseil islamique», a indiqué le communiqué invitant les ouléma à soumettre leurs avis à ladite commission. Le HCI a appelé à ne pas parasiter l'esprit des citoyens et à ne pas bouleverser leur quiétude en cette conjoncture où l'heure est à l'unité. Aucune décision n'a été prise, pour le moment, par le ministère des affaires religieuses mais déjà plusieurs autorités religieuses du monde musulman se sont accordées à dire qu'il n'y a aucun mal à prier chez soi en cas d'épidémie. L'islamologue, membre fondateur de la Ligue des ouléma du Sahel, Kamel Chekkat, a également soutenu que les tarawih «c'est une prière surérogatoire (nafila), la prière obligatoire a été annulée en groupes pour éviter les contagions. Cela veut dire que même si une dizaine de personnes avait la possibilité de se réunir dans une demeure donnée pour faire cette prière (de tarawih) en groupe, ils n'auraient pas le droit de le faire à cause du confinement, juste parce qu'il faut préserver la vie, autant la leur que celle des autres». Concernant le jeûne, il a souligné que «rien ne s'opposerait au jeûne dans cette séquence de coronavirus car il permet la réactivation du système immunitaire». Mais au-delà des polémiques, le Ramadhan 2020 sera définitivement différent des précédents. Ses saveurs et ses odeurs seront totalement dissemblables ou faudra-t-il, peut-être, les réinventer à l'aune du Covid-19?