Par Chabane Mahmoud * L'objectif est pour eux, bien évidemment, d'exercer leur citoyenneté en défendant vigoureusement les intérêts des personnes vulnérables. Et quelle meilleure occasion que celle qui leur est offerte par les zones défavorisées et des projets liés à la protection de notre biotope, tel le «Barrage vert», qui doivent retenir l'intérêt des pouvoirs publics en constituant un terrain d'action propice à l'amorce d'une authentique construction d'une «Algérie nouvelle» pour peu que les bonnes intentions ne soient pas détournées, tout en faisant du travail productif, le ciment d'un authentique élan au seul service de la collectivité nationale! C'est au hasard d'une de mes lectures dans la presse signalant, comme s'il s'agissait là d'un fait divers exceptionnel, que j'ai relevé qu'un citoyen bénévole fut grassement rémunéré par sa tutelle. Ce non-évènement m'a bien évidemment interpellé et questionné, moi qui, au même titre que toutes celles et tous ceux qui furent élevés dans les valeurs de la touiza, cet acte distinctif de la vie communautaire du vivre ensemble qui s'est effrité au fil du temps. À vrai dire, la banalisation et/ou la publicité pour ce genre de pratiques propres à quelques énergumènes, le mélange des genres, la course effrénée à l'enrichissement matérielle tournant le dos à la morale et aux actes citoyens, ainsi que la cupidité sont autant de faits qui tendent malheureusement à se généraliser et à faire passer tout un peuple pour ce qu'il n'est pas. Mais a-t-on déjà oublié que ce peuple vaillant était pétri dans les valeurs fondamentales de fraternité, d'humanité, de partage, de solidarité, d'entraide, de liberté et de dignité? C'est hélas ce socle de valeurs pourtant partagées et jalousement défendues par les patriotes de ce pays et qui, au prix d'énormes sacrifices et de luttes, ont permis de mettre fin à 132 années d'une colonisation des plus barbares et des plus destructrices dans le monde, que ce genre d'individus égoïstes et étrangers aux valeurs de leur peuple, tentent de pervertir et de renier sans aucun état d'âme. Il faut reconnaitre aussi que cette situation n'a pu être rendue possible que grâce à la pratique de cette culture de l'oubli, instillée insidieusement dans le corps social et poussée à son paroxysme dès le début des années 1980 à la faveur de la mise en place de la fameuse politique d'INFITAH d'essence ultralibérale. Cela a donné lieu à une régression sociale, économique et culturelle que l'équipe dirigeante de l'époque a appliqué sous le slogan racoleur, démagogique et populiste de: «pour une vie meilleure». Et pour accompagner et booster cette politique ultralibérale contraire à nos valeurs ancestrales et au projet de société énoncé par le congrès de la Soummam, clarifié et appuyé par les Chartes de Tripoli, d'Alger et celle de 1976, rien de mieux que la diffusion en avant-première mondiale, de l'interminable feuilleton DALLAS dont le contenu cadrait bien avec l'idéologie du moment. Cet état de fait s'est poursuivi et s'est aggravé par le fait que les dirigeants en charge de la protection du pays et de notre identité n'avaient pas su, soit par «cécité» et/ou par «négligence», prendre les mesures appropriées pour endiguer les méfaits de l'impérialisme culturel mondialisé rampant et conquérant. Pour réaliser son hégémonie sur les Etats et les peuples en dévitalisant l'identité des pays, en les fragilisant et en remettant en cause leur souveraineté nationale, leur volonté de résistance, ce dernier s'est appuyé pour le faire, sur la compromission des décideurs et bien évidemment sur son arme redoutable de destruction massive dont l'efficacité n'est plus à démon-trer; les G.A.F.A en l'occurrence. Le processus d'acculturation du peuple algérien que l'impérialisme français n'a pu réaliser, malgré les moyens démesurés mobilisés et mis en branle, reste apparemment pour ce dernier, un objectif non encore abandonné. Pour s'en convaincre il suffit de rappeler le battage et la campagne médiatiques soutenus et entretenus par les forces nostalgiques de l'Algérie française qui persistent à clamer haut et fort que l'Algérie n'avait aucune existence réelle avant la conquête coloniale, poussant même l'outrecuidance à oser affirmer et soutenir avec aplomb que l'indépendance n'a pas été arrachée héroïquement par les sacrifices immenses du peuple algérien, mais a été bel et bien le fruit offert par philanthropie par le général de GAULLE! C'est pour tous ces frustrés, une façon de se venger des revers historiques reçus en voulant réduire à sa plus simple expression notre grande Révolution de Libération nationale en voulant remettre en cause la bravoure et les sacrifices de ces millions d'acteurs, hommes et femmes qui y ont participé. Les méfaits et les dégâts visibles, souvent irréversibles, de cette politique de la culture de l'oubli qui exploite sans vergogne l'allié naturel des impuissants en l'occurrence le fatalisme et son corollaire l'attentisme et le laisser-aller, peuvent se mesurer à travers la non-célébration des évènements qui ont marqué notre riche et grande Histoire à travers les siècles. N'est-ce pas là pour notre jeune nation, une manière de se faire hara-kiri? S'ajoutent à cela, l'indigence et les «oublis» des contenus de nos manuels scolaires qui sont loin de restituer objectivement la grandeur de cette dernière, l'abandon délibéré de certaines valeurs qui consolidaient les liens d'amitié et d'entraide intergénérationnelle et intersectorielle tel le volontariat-bénévolat, la touiza,... etc. Aussi, les discussions autour des questions mémorielles qui devraient toutes et tous nous concerner sont encore classifiées et/ou considérées comme tabous; cela va de l'apport admirable et inestimable des amis et des défenseurs de la cause de l'Algérie combattante pour son indépendance et puis pour son édification, aux méfaits des ennemis de l'Algérie en guerre, les détenteurs de cartes blanches, les bénéficiaires de la promotion Lacoste, en passant par les faux moudjahidine qui sévissent encore... (la liste n'est pas exhaustive). Sans remonter loin dans l'histoire de notre pays pour l'interroger sur la place de choix qu'occupait le volontariat-bénévolat et son rôle dans les processus de développement, de consolidation des liens entre citoyennes et citoyens et de réalisation en commun des actions au profit de la collectivité ou même d'un de ses membres, pour améliorer et/ou renforcer le bien-être de la collectivité, il convient de dire que cette valeur partagée s'est imposée au fil du temps comme un devoir assumé et une contrepartie pour consolider et développer le vivre ensemble dans notre immense et magnifique pays. Parmi les nombreuses actions de volontariat-bénévolat les plus grandioses et les plus déterminantes que le peuple algérien dans son ensemble (hormis les auxiliaires des forces coloniales - harkis et indigènes vassalisés) a menées avec beaucoup de convictions, d'abnégation et de sacrifices collectifs et individuels avec le succès que l'on connaît, la guerre de Libération nationale reste indéniablement la plus emblématique et la plus significative. Faut-il aussi rappeler que cette inégalable mobilisation du peuple algérien engagé résolument à chasser de notre pays l'intrus (ici les colons français) n'est pas le fait d'une conscription décrétée par un empereur, ou tout autre dictateur, mais bel et bien un acte volontaire individuel et solidaire. Et ce ne sont pas les historiques du groupe des 22 et encore moins les six du CRUA qui avaient envoyé des ordres d'appel ou placardé sur les murs, les arbres, les marchés et tout autre lieu public des édits déclarant la mobilisation générale qu'ils auraient promulgués en prenant soin de préciser que tout individu concerné qui tenterait de se soustraire à la loi est passible de la cour martiale. Ceci dit pour souligner s'il en est besoin, le caractère volontaire de l'engagement des Algériennes et Algériens, ces femmes et hommes libres et dignes, en faveur de cette cause nationale placée au-dessus de toute considération et qui transcende tous les clivages et/ou toutes les appartenances idéologique, partisane, sociale, ethnique, régionale ou de genre... Ces volontaires-bénévoles, conscients des dangers encourus de la guerre et des conditions très rudes et difficiles de vie auxquels ils s'exposaient dans les maquis et au sein des réseaux clandestins des villes, villages et douars ont quitté leurs foyers pour aller accomplir leur devoir sans attendre des prébendes et/ou des privilèges en retour de leurs actes, de quelque nature que ce soit. Ils étaient des volontaires et des bénévoles, conscients et libres ne prétendant à aucune rémunération! Leur emboîtant le pas, nos étudiants avaient volontairement répondu à l'appel du 19 mai 1956 de leur Organisation, l'UGEMA, en désertant les bancs des lycées et des universités (ils n'avaient pas reçu d'ordre d'appel individuel ou répondu sous la menace d'une cour martiale à un oukase impérial proclamant la mobilisation générale, comme ce fut le cas pour leurs camarades français) pour rejoindre les rangs de leurs frères qui avaient pris en 1954 l'initiative de passer à l'acte pour chasser par les moyens militaires, certes, très limités et rudimentaires, les colons et recouvrer ainsi l'indépendance de leur pays. Il va sans dire que pour répondre à l'appel du coeur et de la raison et accomplir leur devoir patriotique, les étudiants ont dû taire les divergences idéologiques pour se consacrer à la seule mission historique du moment, celle consistant à mettre tout en oeuvre pour libérer coûte que coûte la patrie. *Ingénieur agronome à la retraite