«Les lions ne meurent pas, ils disparaissent.» Proverbe berbère Il y a quelques jours, la veille du 27e jour du mois de Ramadhan, disparaissait Abderrahmane Benhamida. Les générations actuelles ne connaissent pas le parcours glorieux de ce digne fils de l'Algérie profonde. Après des études universitaires, cet ancien médersien eut l'immense mérite de braver les interdits en s'engouffrant pour gravir les échelons de la connaissance dans les rares interstices permis aux indigènes pour s'instruire. La Révolution démarre. Abderrahmane Benhamida s'engage corps et âme à l'âge 24 ans. Il devient rapidement commissaire politique de la Zone Autonome d'Alger (fin 1956) et est arrêté le 15 octobre 1957. Condamné à mort puis gracié, il ne fut libéré qu'après le cessez-le-feu en avril 1962. Imaginons quelques instants le quotidien d'un condamné à mort qui sait qu'il va mourir pour une cause suprême à l'âge où d'autres rêvent de vivre pleinement. C'est un patriote qui a fait le sacrifice suprême de sa vie. Après l'Indépendance, il a présidé aux destinées du ministère de l'Education nationale. Qu'il nous suffise de rappeler que tout était à faire! Une société déstructurée, un analphabétisme frôlant les 90% laissé par «l'oeuvre positive du colonialisme» et aussi un corps enseignant réduit à sa plus simple expression. Il fallait faire la rentrée coûte que coûte, et donner enfin le droit aux enfants de s'instruire, ce que le pouvoir colonial ne permettait qu'à dose homéopathique. A l'université, il eut le mérite d'installer le premier recteur de l'université de l'Algérie indépendante en la personne du professeur Ouabdesselam, un moudjahid qui combattit l'ignorance pendant plus de 60 ans. J'ai revu Si Abderrahmane justement à l'enterrement du professeur Ouabdesselam qui fut son professeur au Lycée franco-musulman. Ce lycée où se sont succédé en son sein les élites, les «anciens médersiens» avec tout ce que cela comporte de respect pour ces Algériens, hélas, peu nombreux, parfaits bilingues, à l'aise culturellement dans la langue de Voltaire que dans «Loughate Addhad» et qui auraient pu imprimer à ce pays une vision de l'ouverture sur l'universel...L'indigence de notre système éducatif mutatis mutandis serait due à ce «mauvais aiguillage» dès le départ. Si Abderrahmane se retira de la vie politique sans bruit, sans m'as-tu-vu, sans rien demander au système. Il présida la Snmc comme un commis de l'Etat de base, sans s'accrocher au pouvoir, sans intriguer. Bref, au-delà des hommes et des pouvoirs conjoncturels, l'Algérie éternelle lui est reconnaissante et reconnaît en lui un de ses dignes fils. Par une belle après-midi du mois d'août, il partit sans déranger, demandant à reposer là où il a voulu. A Dieu nous appartenons à Lui nous retournons.