«La mort de Ben Laden va charrier avec elle d'autres actes terroristes plus spectaculaires que les précédents et ouvrira d'autres fronts d'action.» Ben Laden est mort, mais le réseau d'Al Qaîda l'est-il pour autant? Cette question taraude l'esprit de bon nombre d'experts et de spécialistes de la lutte antiterroriste. «La victoire contre Al Qaîda n'est pas aussi sûre ou remportée», avertit le directeur de la CIA, Leon Panetta, dans un communiqué rendu public hier. Bien au contraire, il a assuré que des attentats spectaculaires sont prévisibles. «Il est presque certain que des terroristes vont tenter de venger Oussama Ben Laden», a-t-il mis en garde, avant d'appeler les ressortissants américains, établis à l'étranger, à la prudence. La même réaction a été manifestée par l'Union européenne. Le coordinateur de la lutte antiterroriste de l'UE, Gilles de Kerchove, a estimé, hier, qu'il fallait rester vigilant, car a-t-il soutenu, après la mort d'Oussama Ben Laden, le symbole allait probablement continuer d'inspirer des terroristes. Dans le même sillage, le pr M'hend Berkouk, directeur du Centre de recherche sécuritaire et stratégique (Crss) et expert-consultant au Global Center Terrorism Coopération aux Etats-Unis d'Amérique a indiqué que la mort de Ben Laden n'est pas synonyme de la disparition d'Al Qaîda. Car, la mort de Ben Laden va charrier avec elle d'autres actes terroristes plus spectaculaires que les précédents. «Les groupes et réseaux terroristes actifs ou dormants vont certainement réagir et frapper, dans les plus brefs délais, pour montrer à l'opinion mondiale qu'Al Qaîda est toujours là», a soutenu M.Berkouk. Selon l'expert, certes Ben Laden représente un symbole pour les réseaux terroristes, mais ils fonctionnent avec un mode opérationnel autonome. A ce titre, l'organisation terroriste Aqmi, activant au Maghreb, notamment au Sahel, est complètement indépendante d'Al Qaîda. Cela est valable, selon lui, aussi bien sur le plan organisationnel que d'action. De fait, le Pr M'hend Berkouk a relevé que les cibles visées dans ses actions par l'organisation Aqmi ne sont pas les mêmes que celles d'Al Qaîda. «Les alliances entres les différentes organisations terroristes sont plutôt d'ordre idéologique», a fait remarquer le directeur du Centre de recherche sécuritaire et stratégique, avant de relever qu'Al Qaîda et d'autres organisations terroristes affiliées à cette dernière fonctionnent selon les modes opérationnels de la défense occidentale. Donc, il y a une autonomie d'action, a-t-il souligné. Par ailleurs, l'expert en questions sécuritaires internationales a averti quant aux risques de voir Al Qaîda changer de plan d'action et ouvrir, par voie de conséquence, d'autres foyers. Les régions instables sont, selon lui, les plus ciblées. Ainsi, il a prévenu que la prolifération des armes, en quantité et en qualité, dans le Maghreb et les zones du Sous-Maghreb, après le conflit libyen, peut réactiver l'organisation Aqmi et prendre les devants de la scène du terrorisme mondial. Cela a été prévu et souligné par des spécialistes. «Le Sahel serait, à l'évidence, le nouveau foyer du terrorisme international», a indiqué le consultant au Global Center Terrorism Coopération aux Etats-Unis, estimant, par ailleurs, que l'Algérie qui n'a pas cessé d'appeler à la lutte contre le terrorisme au Sahel, mais aussi de prévenir contre ses risques aussi bien à moyen terme qu'à long terme ne s'est pas trompée. Donc, Aqmi serait en mesure de réactiver ses réseaux et faire de la région du Sahel un nouveau foyer pour le terrorisme international, d'autant plus que toutes les conditions lui permettant d'agir y sont réunies. Et d'ajouter sur un autre plan que la mort de Ben Laden constitue également un gage pour la réélection de Barack Obama. C'est dire qu'il s'agit là d'un véritable exploit pour l'administration d'Obama. Cependant, Slimane Medjahed, ex-conseiller auprès des services de la Sécurité nationale a précisé, quant à lui, que le terrorisme n'est pas activé pour des raisons de politique interne, mais pour des raisons externes. Néanmoins, il a fait savoir que la mort de Ben Laden pourrait constituer un coup fatal pour l'organisation terroriste Al Qaîda. Selon lui, il se pourrait qu'il y ait naissance d'une guerre interne au sein d'Al Qaîda, notamment autour de la succession à Ben Laden à la tête d'Al Qaîda. Formel, Slimane Medjahed a indiqué que la mort de Ben Laden va entraîner plus d'actes terroristes à travers le monde, mais aussi plus de problème à l'intérieur d'Al Qaîda. Tandis que du côté de Salim Berkouk, enseignant en sciences politiques et relations internationales à l'Université d'Alger, l'interrogation qui se pose maintenant n'est pas nécessairement la mort de Ben Laden, mais cette rapidité de l'annonce portant sur sa mort. «Je pense que cette annonce sert beaucoup plus à encourager les forces de l'Otan plongées dans le chaos afghan», a-t-il expliqué, ajoutant que la mort de Ben Laden n'entraîne pas nécessairement la fin d'Al Qaîda.