Les Africains des pays du Sahel sont en passe de devenir les parrains d'une nouvelle forme d'escroquerie. La brigade de gendarmerie d'Hussein Dey a tendu, le 22 décembre dernier, une souricière à deux Maliens, spécialisés dans la fabrication de faux-billets et escroquerie, pour les arrêter «la main dans le sac», c'est-à-dire faux billets en poche, à Kouba, apprend-on de source autorisée. Les grandes villes du Nord algérien sont en train de vivre une véritable alerte à la fausse monnaie, et Alger, spécialement, est devenue la mecque des faussaires les plus avisés. L'affaire en question a débuté, lorsqu'un citoyen, sentant l'escroquerie dans la proposition des deux Africains, est venu faire part à la gendarmerie de leur démarche. Par la suite, et pendant 48 heures, le commandant de groupement de la GN d'Hussein Dey, a laissé les choses suivre leur cours normal, pour mieux appréhender les auteurs. Les deux Maliens «toutes fringues dehors», appâtaient les citoyens intéressés par les affaires, en leur promettant un procédé simple et infaillible qui mènerait droit à la fortune. Dans des malles en plastique sont entassés des paquets de papier couverts de poudre noire et découpés à la dimension de dollars ou d'euros. La transaction est simple, il s'agit pour la partie algérienne de se procurer l'équivalent en dinars algériens, pour que les papiers noirs «changent» pour devenir d'authentiques euros ou de vrais dollars. Dès que les billets de banque sont plongés dans un bain de mercure rouge mélangés à d'autres composants chimiques, la couche extérieure s'efface pour faire apparaître la vraie-fausse monnaie. Evidemment, il y a toujours dans les paquets de vrais billets pour accentuer l'effet d'illusion et, finalement, les plus avides, à la vue de l'argent à portée de main, se laissent berner..L'affaire qui a abouti à l'arrestation des deux Maliens, concernait une transaction de l'ordre de15.000 euros, soit l'équivalent de 160 millions de centimes. Pendant que la transaction se préparait, le procureur du tribunal d'Hussein Dey a été saisi et l'instruction déclenchée. Présentés devant le procureur avant-hier, les deux inculpés ont été placés sous mandat de dépôt, avec les chefs d'inculpation d'escroquerie, faux et usage de faux, faux passeports et faux permis de séjour. Depuis le début de l'année, des affaires similaires, qui avaient été traitées par les divers services de sécurité de la capitale, avoisineraient la vingtaine. Pour la seule circonscription d'Hussein Dey, aux moins quatre réseaux ont été démantelés par la Gendarmerie nationale du secteur, impliquant plusieurs complices, des centaines de millions de dinars et presque toujours des Maliens, des Nigériens...qui usent du même procédé. Une des victimes de ces réseaux avait, il y a quelques mois, déboursé 20 millions de francs pour bénéficier de l'équivalent en dollars, avant de s'apercevoir que hormis les «billets d'essai», les autres coupures restaient désespérément noires et résistaient au bain de mercure (lui-même faux, car obtenu à partir de vinaigre et autres quelconques matières chimiques). Ce procédé en pleine expansion n'a rien à voir avec celui, déjà connu et abondamment utilisé, de la fausse monnaie. Celle-ci, moins chimique et plus technique, implique un petit réseau, un micro-ordinateur, une imprimante, un scanner et du bon papier pouvant faire croire que le billet scanné et bien calibré est un vrai. Très souvent, là, il s'agit de la falsification de dinars algériens, en coupure de 200, 500 et 1000, pouvant aisément être écoulés. La prolifération de ces réseaux de trafiquants, de moins en moins armés, de plus en plus «intelligents», qui manient l'outil informatique et les produits chimiques, renseigne sur le recul du péril terroriste et l'avancée - terrible, il faut le noter - du crime organisé en Algérie. Un autre défi pour les services de sécurité.