Face à une administration sourde aux doléances, écrites ou verbales, à travers les ondes de la radio locale, les écrits de presse ou les correspondances particulières, et impuissante à améliorer autrement son triste sort, la majorité peu fortunée de la population noie sa grogne dans le blasphème, en maudissant les responsables locaux et en injuriant l'Etat qui les a nommés. À Bouguirat, l'été s'est installé, le calvaire et les désagréments des perturbations dans la desserte en énergie électrique avec. Les abonnés de l'auguste Sonelgaz étaient déjà habitués à l'agacement vécu à longueur d'année. On maugrée, on maudit et on insulte en sourdine, et on finit par s'accommoder, en dÎnant à la bougie ou à la torche, en se couchant plus tôt que d'habitude, en différant au lendemain une tâche même urgente, ou en se privant, avec une grande désolation, de son JT ou du match tant attendu. Aux “habituelles” privations diverses s'ajoutent l'empêchement étreignant du sommeil, le luxe d'une désaltération à l'eau fraÎche, le grand risque de la contamination et la putréfaction des produits congelés en prévision du Ramadhan qui pointe, et même la dissipation de l'envie de travailler dans les conditions rendues difficiles. Chez le commerçant et l'artisan, le gâchis se chiffre en dinars lourds et en manques à gagner substantiels. Si au bureau de la poste ou dans certains services administratifs, cela correspond à un répit forcé accordé au personnel, il n'en est pas de même à la maternité de la localité. Faute d'alternative de secours, des dizaines de nouveau-nés y ont été mis au monde à la lumière… des téléphones portables ! Quotidiennement, notamment lors des heures dites de pointe, les coupures et les chutes de tension s'alternent. “Pratiquement, toutes les communes qui partageaient jusque-là le calvaire en ont été soulagées, mais pas celle de Bouguirat !” croient savoir nombre d'habitants de la localité “maudite”. “C'est normal ! Ni le chef de daïra ni le P/APC, ne souffrent du problème ! Et la poignée de "personnalités" susceptibles d'être en "haut" s'est équipée en groupes électrogènes”, rétorquent d'autres jeunes furieux d'aller au café pour suivre les matches et les péripéties de la Coupe du monde sud-africaine. À force de les entendre, les raisons du calvaire sont connues de tous. Autrefois, c'était la saturation du réseau de distribution vétuste, sinon la pollution ou les intempéries. À ce prétexte initial, la “faute” sera endossée par les fellahs et autres agriculteurs, dont les pompes immergées servant à l'irrigation consommeraient énormément d'énergie électrique. Depuis quelque temps, la “démocratisation” du recours au climatiseur, appareil électroménager ayant abandonné son statut d'équipement de luxe, qui est monté au créneau, pour expliquer l'incapacité de l'entreprise à satisfaire le besoin, certes énormément augmenté. Eu égard aux installations dotées d'une technologie de pointe, on espérait que le projet allait se traduire par une amélioration tant en quantité qu'en qualité de la distribution de l'énergie électrique à l'échelle locale et régionale. Hélas, la situation ne semble guère s'améliorer et il ne semble pas qu'on vivra demain ce luxe !