La consternation était à son comble, hier, devant la morgue du CHU Nedir-Mohamed où une foule immense était venue rendre un dernier hommage à l'attaquant camerounais de la JSK, Albert Ebossé, qui a été mortellement atteint par un projectile au crâne, après la défaite du club kabyle face à l'USMA. Dès les premières heures de la matinée, il était déjà difficile de se frayer un passage pour accéder à la morgue où la dépouille attendait son transfert vers l'hôpital Aïn Naâdja d'Alger. La foule ne cessait de grossir au fil des minutes qui passaient, mais un nombre important de policiers et de gendarmes mobilisés pour la circonstance s'attelaient à mettre de l'ordre. "L'ordre, c'était surtout hier qu'il fallait l'assurer au stade", grommelait un jeune au nez d'un policier qui le bousculait pour céder le passage. L'ordre est établi. Les présents avançaient alors en file indienne jusqu'au cercueil déposé à l'intérieur de la morgue. La foule était composée essentiellement de supporters des Jaune et Vert qui adulaient ce talentueux Camerounais de 25 ans dont la mort a choqué toute la Kabylie. Devant la morgue, on n'en revient toujours pas. Les discussions et les exclamations vont bon train. Les interrogations aussi. Et toujours les mêmes : comment Ebossé a été tué ? Qui en est responsable ?...Puis chacun allait de ses réponses. Une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montrant Ebossé emprunter le tunnel menant aux vestiaires était au centre des discussions. "Elle confirme qu'Ebossé n'a pas été atteint par un projectile d'un supporter au stade", estiment certains. D'autres n'hésitent pas à exprimer leur doute quant au moment de la prise de cette vidéo. "C'est une vidéo de la première mi-temps. À la fin de la seconde mi-temps, il y avait une pluie de projectiles qui provenait des tribunes", argumentent-ils. Une enquête est ouverte par le parquet pour déterminer les circonstances exactes de ce drame jamais connu dans les annales du football national. À 12h, les camarades d'Ebossé et les dirigeants de la JSK, à leur tête Mohand-Cherif Hannachi, sont tous là autour de la dépouille. Inconsolables, abattus. Les larmes aux yeux. Aucun mot ne suffit pour exprimer leur douleur. Une douleur profonde provoquée par un vent de violence qui vient encore une fois souffler sur un stade algérien. Le wali de Tizi Ouzou, Abdelkader Bouazghi, arrive, lui aussi, pour rendre un dernier hommage à Ebossé. Dans un communiqué rendu public dans la matinée, le premier magistrat de la wilaya avait dénoncé "le comportement de certains supporters qui continuent à ternir l'image du sport en général et du football en particulier dont l'objectif essentiel est la fraternité et le fair-play" et promis que "toute la lumière sera faite sur cet acte condamnable, d'arrêter les auteurs et de les traduire devant la juridiction compétente". Dans une ambiance chargée d'émotion et de tristesse, à 12h45, la dépouille mortelle a été drapée dans un drapeau amazigh et un maillot de la JSK sur lequel on pouvait lire "Bodjongo", le vrai nom d'Albert Ebossé. Ce fut alors le moment des grands adieux. Le moment où le cercueil a été mis dans l'ambulance qui devra le transporter vers l'hôpital militaire d'Aïn Naâdja. Comme un seul homme et avec beaucoup de solennité, la foule clame une dernière fois : "Ebossé yela yela..." La procession humaine tente d'accompagner le cortège funèbre, mais au bout de quelques dizaines de mètres, celui-ci, escorté par les véhicules de la gendarmerie, disparaît à grande vitesse, prenant la direction du siège de la wilaya. Ebossé était promis à un avenir professionnel des plus radieux, mais la violence en a décidé autrement. Ebossé rentrera aujourd'hui chez lui au Cameroun dans un cercueil, laissant derrière lui une Kabylie en deuil et surtout une fillette qui ne le connaîtra qu'à travers les photos. S. L. Nom Adresse email