Beaucoup a été dit ou presque sur les compétences managériales du sélectionneur national Christian Gourcuff. De sa passion jumelée pour les mathématiques et la disposition tactique en 4-4-2 à son image de technicien lisse qui veut instaurer une discipline de fer au sein du vestiaire de l'équipe nationale pour la conduire jusqu'à un succès final en CAN, la FAF de Mohamed Raouraoua compte sur lui pour monter sur le toit de l'Afrique au Gabon, en 2017. Mais pour qu'un entraîneur réussisse au plus haut niveau, il est de notoriété publique qu'il doit obligatoirement avoir une âme de vainqueur et être impérativement un meneur d'hommes. Alors, Gourcuff winner et meneur ? Pas si sûr lorsqu'on s'attarde un peu sur deux événements marquants de sa carrière d'entraîneur. Malchance, manque de pot, simple coïncidence ou carrément sa destinée, l'histoire du FC Lorient nous rappelle que le seul titre majeur du club breton a été gagné après le départ de son entraîneur dit emblématique, Christian Gourcuff. Après un premier passage entre 1982 et 1986, l'actuel sélectionneur national a entraîné Lorient de 1991 à 2001 (pendant 10 ans) puis de 2003 à 2014 (durant 11 ans). Paradoxalement, c'est entre ces deux dernières décennies que le FC Lorient connaîtra la gloire d'une consécration en Coupe de France, son seul titre majeur, le prestige d'une finale de Coupe de la Ligue et l'honneur d'une participation européenne en Coupe de l'UEFA. Il aura fallu, donc, un départ de Gourcuff pour que le FCL gagne enfin un titre ! Au même moment, le technicien Christian avait choisi Rennes. Là aussi, malchance, manque de pot ou simple coïncidence, le Stade Rennais enchaîne les mauvais résultats au point où Gourcuff est licencié en mai 2002 après que les joueurs eurent rejeté son projet de jeu. Son retentissant échec à Rennes contrastait avec le succès de son successeur à Lorient, Yvon Pouliquen (déjà vainqueur avec le RC Strasbourg de la Coupe la saison précédente). Il quitte le club, Lorient gagne la coupe ! Après avoir éliminé le PSG au Parc des Princes en 1/4 de finale, puis le Nîmes olympique en demi-finales, Lorient, porté par son capitaine et buteur Jean-Claude Darcheville, se hisse en finale de la Coupe de France. Face au Sporting Bastia, les Merlus, emmenés par Pascal Feindouno et Seydou Keita, remportent leur première Coupe de France grâce à un but de Darcheville et écrivent la plus belle page de l'histoire du club. De winner sur lequel compte tout un peuple algérien épris de sa sélection, Christian Gourcuff n'en possède apparemment pas le profil. Ni le tempérament d'ailleurs. De meneur d'hommes, le technicien breton ne semble pas non plus détenir l'âme. Quoi de mieux qu'un fils footballeur professionnel, fort talentueux et génial par moments qui plus est, pour "démontrer" son aptitude à gérer un athlète de haut niveau et à le mener à atteindre les objectifs qu'il s'est assignés ? Le peu d'emprise qu'il a sur son propre fils, Yohann, laisse d'ailleurs à penser qu'il serait extrêmement compliqué pour le père et sélectionneur Christian d'avoir la mainmise sur un vestiaire algérien réputé difficile à gérer. Car, c'est bien connu : Gourcuff junior a une sale réputation dans le milieu footballistique français. Partout où il est passé, son comportement a été critiqué. Le comble pour un entraîneur (Christian) qui réclamait une exemplarité à toute épreuve à ses joueurs (Djabou, Ghilas, Guedioura...) sous peine de lourdes sanctions ! On se rappelle, d'ailleurs, tous des critiques du légendaire Paolo Maldini à l'égard de Yohann, le fils. "Gourcuff au Milan s'est trompé à 100%. Son problème ici, c'était son comportement. Il ne s'est pas montré intelligent dans la manière de se gérer lui-même. Lorsqu'il jouait ici, il n'avait pas envie de se mettre à la disposition du groupe. Il ne s'est pas mis à étudier l'italien tout de suite. La tactique, il ne voulait pas la travailler. Il n'était pas toujours à l'heure. Il s'est passé beaucoup de choses. Des choses qu'il n'est pas possible de raconter. Mais lui, il sait très bien ce qu'il a fait", dégainait Maldini. Et de renchérir : "À Milanello, au lieu de faire une feinte et de passer le ballon, il en faisait quatre. C'est normal qu'à la troisième ou quatrième tu prennes un coup. Quand il entrait en jeu, il ne se donnait pas à fond. Des joueurs moins talentueux ont gagné le respect au Milan parce qu'ils donnaient tout. Lui, il ne l'a pas fait. Et ça, il le sait. Au bout d'un moment, il était devenu un corps étranger au groupe." Yoann, fils indiscipliné et mauvais esprit ! Son coéquipier Gennaro Gattuso abondera, lui aussi, dans le même sens. "J'ai toujours dit que Gourcuff est un très grand joueur. Son talent ne se discutait pas. Chez nous, il a eu quelques problèmes... S'il avait réussi à modifier certaines de ses attitudes. Le fait d'arriver en retard, c'est parce qu'il manquait quelqu'un à ses côtés. Parfois, il ne se réveillait pas, le réveil ne sonnait pas. Mais ça arrive. J'avais conseillé à Yohann, un bon garçon, de venir vivre à Gallarate (commune située près de Milanello). Parce qu'à Gallarate, il y a moins d'occasions pour sortir", soulignait l'ancien milieu bouillonnant. Des révélations qui avaient, à l'époque (en 2010), poussé la presse en France à se poser "la" question : C'était donc ça Gourcuff ? Un mal élevé prétentieux ? Une feignasse ? D'autant plus qu'à ses ennuis en club, Yohann a connu aussi un mélodrame en sélection, chez les Bleus. Ce qui avait, soulignons-le, poussé son père à sortir de ses gonds pour répondre et... défendre sa progéniture. "Yohann dérange. Il est différent ; il possède une autre structure culturelle, d'autres intérêts intellectuels. Personne n'aime la différence dans ce milieu. Et comme, en plus, il est d'un naturel réservé, il génère une drôle de fantasmagorie. C'est comme cette histoire, comme quoi il devait s'écarter devant Ribéry. Mais c'est surréaliste ! Surréaliste... vous m'entendez ! C'est une injustice terrible, tous ces ragots. Je suis outré. Pour un père, il n'y a rien de pire que d'assister à ça", avait-il lancé. Mais si Yohann est vraiment différent, car d'un "naturel réservé", pourquoi diable Djabou ne le serait-il pas ? À moins que ce qui est "autorisé" pour l'un ne l'est pas forcément pour l'autre ! Tout est désormais dit. Ou presque... R. B.