Le budget 2016 est-il vraiment un budget d'austérité ? Tandis que l'opposition dénonce, de façon véhémente, un "tour de vis" budgétaire, les responsables gouvernementaux tentent de présenter à l'opinion nationale un budget 2016 fondée sur une démarche "prudente", adaptée à la nouvelle conjoncture pétrolière et basée, nous explique-t-on, sur un "prix du baril de pétrole de 45 dollars". En même temps le "prix de référence" du baril est toujours fixé à 37 dollars et les économistes algériens indépendants préfèrent souligner, de leur côté, que le "prix d'équilibre budgétaire" reste largement supérieur à 100 dollars dans la LF 2016. On s'y perd un peu. Explications. "Dire la vérité, c'est tabler sur un baril de pétrole à 45 dollars comme base d'élaboration de la loi de finances pour 2016 qui ira dans le sens de la croissance et non dans celui de l'austérité". Ces propos sont à mettre à l'actif du Premier ministre à l'occasion de la dernière tripartite de Biskra Les propos tenus par M.Sellal font écho aux déclarations du ministre délégué chargé du Budget M. Hadji Baba Ammi.qui affirmait voici quelques semaines que le projet de loi de finances pour 2016 a été élaboré en tenant compte de l'environnement interne et externe en "prévoyant un niveau prudent de prix du marché du pétrole brut de 45 dollars en 2016". Les responsables gouvernementaux font allusion dans ce cas au "prix de marché" anticipé par les autorités algériennes au titre de l'année 2016. Malheureusement ce n'est pas ce dernier prix qui détermine les principaux paramètres de la loi de finances 2016. Le prix de référence toujours fixé à 37 dollars Ce n'est tout d'abord pas ce prix de marché de 45 dollars qui sert à calculer les recettes pétrolières prévues en 2016. Ce rôle est toujours joué par un prix de référence budgétaire fixé à 37 dollars depuis de nombreuses années qui est aujourd'hui devenu une pure convention comptable. La loi de finances 2016 prévoit ainsi des recettes budgétaires totales de 4 747 mds DA (soit près de 45 milliards de dollars). Elles sont composées de 3.064 mds DA de recettes ordinaires et de 1 682 mds DA de fiscalité pétrolière sur la base d'un prix de référence comptable du baril toujours fixé à 37 dollars. Une telle convention comptable conduit à la formation d'un "déficit budgétaire" considérable mesuré par le PLF 2016 à plus de 3 000 milliards de dinars (environ 30 milliards de dollars). Un prix d'équilibre budgétaire à plus de 100 dollars depuis 2010 En réalité, la notion qui éclaire le mieux la situation actuelle de nos finances publiques est sans doute le "prix d'équilibre budgétaire" du baril de pétrole. Elle renseigne sur le niveau des prix pétroliers nécessaire pour couvrir les dépenses de l'Etat. Elle a été inventé par les économistes du FMI dans le but d'attirer l'attention des pays exportateurs de pétrole sur la croissance accélérée de leurs dépenses publiques dans un contexte, à l'époque, de hausse des prix pétroliers et sur les risques qu'elles font courir à l'équilibre futur de leurs finances publiques. Voici quelques mois, les animateurs de l'initiative Nabni se sont livrés dans ce domaine à quelques calculs assez éclairants en utilisant, eux aussi, le concept de "prix d'équilibre budgétaire" dans le cadre d'une rétrospective des dépenses publiques depuis l'année 2007. On apprenait ainsi que si le prix du baril de pétrole qui permet de financer les dépenses du budget de l'Etat se situait encore à 60 dollars en 2007, il a bondi à 80 dollars en 2009, à125 dollars en 2010 avant d'atteindre un niveau record de plus de 140 dollars en 2012. Selon les calculs effectués par Nabni, le prix d'équilibre associé à la loi de finances 2013, marqué par une plus grande "prudence" en matière de dépenses publiques, se situe à un niveau proche de 110 dollars. En 2014 et en 2015 ,les dépenses publiques algériennes ont repris leur course en avant et le FMI estimait dans des publications récentes le prix d'équilibre budgétaire pour les deux dernières années à un niveau proche de 120 dollars. Le prix d'équilibre à 108 dollars en 2016 Selon les chiffres du projet de loi de finances, l'Etat table pour 2016 sur des dépenses budgétaires de 7987 milliards de DA, soit environ 75 milliards de dollars. Des dépenses budgétaires fixées à 75 milliards de dollars, c'est un prix d'équilibre budgétaire encore très largement supérieur à 100 dollars (environ 108 dollars) pour le baril de pétrole. On est donc très loin de la politique d'austérité évoquée ces dernières semaines et l'Etat va devoir puiser très largement, en 2016, dans les réserves constituées depuis une quinzaine d'années et accumulées dans le Fonds de régulation des recettes (FRR). H. H.