Rongés par le sentiment d'abandon depuis qu'ils ont été "chassés" de leur maison de fortune après les derniers affrontements qui ont éclaté dans plusieurs quartiers de la ville de Tamanrasset, les migrants ont eu droit à un traitement qui risque de compromettre les engagements humanitaires du pays. Une petite virée à la sortie sud de la ville où sont regroupés des centaines de ressortissants subsahariens ayant échappé à l'acharnement et au lynchage des autochtones, nous a suffi pour arrêter cet atterrant constat. Les migrants, qui ont accepté de se confier à la presse, demandent seulement de la nourriture et des tentes pour se mettre à l'abri d'un soleil de plomb. Installés à sortie de la ville aux abords de la route menant vers In-Guezzam, non loin du centre d'accueil des migrants et du commandement du secteur de la gendarmerie pour se mettre en sécurité, ils sont livrés à leur triste sort et attendent l'aide des autorités. Sur place, nous avons appris que des denrées alimentaires ont été distribuées par la Direction de l'administration locale à cette population en détresse que des policiers zélés nous refusent de prendre en photo, de peur de mettre au goût du jour leurs pratiques humiliantes et indignes de l'hospitalité coutumière de cette région millénaire. Selon le représentant de la DAL, M. Benmalek, 570 boîtes de fromage, 280 boîtes de thon, 800 pains, 120 boîtes de lait en poudre, 336 bouteilles d'eau minérale et 28 sachets de lait, ont été distribués vendredi. Ces quantités s'avèrent dérisoires eu égard au nombre important de migrants. Le recensement réalisé par l'association nationale Green-Tea pour la promotion de la santé et les aides humanitaires en Algérie en collaboration avec les leaders des communautés migrantes fait ressortir 2 724 personnes dont 275 Libériens, 420 Nigérians, 22 Togolais, 178 Sénégalais, 80 Ghanéens, 220 Gambiens, 68 Bissau-Guinéens, 54 Burkinabés, 300 Maliens, 600 Guinéens, 150 Ivoiriens, 173 Camerounais, 41 Sierra-Léonais, 96 Béninois, 47 Centrafricains. Selon le président de l'association, Mohammed Guemmama, le nombre est beaucoup plus important si l'on tient compte des migrants qui n'ont pas quitté leurs quartiers de peur d'être rapatriés. Tout en regrettant l'anarchie qui a caractérisé les opérations de distribution de vivres, Mohammed, médecin de profession, dénonce le cas de femmes violentées sexuellement ainsi que le comportement des services de sécurité qui l'ont empêché de faire don de médicaments aux migrants souffrant après sept jours passés sous une chaleur caniculaire. La Direction de l'action sociale et de solidarité de la wilaya a, de son côté, pu marquer sa présence en distribuant des provisions de première nécessité dans le but de rehausser l'image de cette wilaya prise en tenailles et qui se trouve vraisemblablement entre le marteau de l'austérité et l'enclume d'une affluence migratoire sans précédent. Une affluence qui serait pour beaucoup dans les conflits ayant débouché sur les derniers heurts. RABAH KARECHE