"L'islam est devenu un répertoire de prescriptions : comment se brosser les dents, comment se coiffer, comment porter le voile, que faut-il manger", s'est révolté, jeudi à Montréal, Cheïkh Khaled Bentounès, guide spirituel de la confrérie soufie El-Alawiya, lors d'une conférence du Conseil interculturel de Montréal (CIM) que préside Belgacem Rahmani, professeur à HEC Montréal. M. Bentounès, qui milite pour l'instauration par les Nations unies d'une journée de la paix et du vivre-ensemble, a estimé que la religion musulmane est transformée en "idéologie" par une minorité agissante qui trouve écho en Occident, notamment dans les médias. Evoquant les tombeaux et autres monuments religieux et historiques détruits par les groupes terroristes, le conférencier a soutenu que, devant la destruction de ce patrimoine universel, "c'est une partie de la mémoire de l'humanité qui disparaît". "On assiste à un assèchement de toute la spiritualité et de l'humanisme de l'islam par un islamisme qui brûle les cartes avec des horreurs qui dépassent l'imaginaire", a-t-il dénoncé, avant de préciser que "les musulmans ne doivent pas se sentir coupables ou responsables des crimes et des actes commis au nom de l'islam qui, bien entendu, n'est pas une religion de la violence". Au sujet de la radicalisation des jeunes, l'orateur dira que la société a failli de donner aux jeunes un idéal avec une relecture de l'islam. "Nous sommes incapables de produire une pensée renouvelée de l'islam", a-t-il martelé. Selon le conférencier, il y a quelque 33 000 sites Internet spécialisés dans la propagande islamiste et terroriste, qui poussent les jeunes à rejoindre les groupes djihadistes. Au-delà du drame humain, les conflits armés et le terrorisme ont provoqué des coûts économiques colossaux. Selon l'intervenant, rien qu'en 2015, la violence a coûté à l'humanité 13,4% de l'économie mondiale. C'est pour toutes ces raisons que Cheïkh Bentounès et son ONG Aisa remuent ciel et terre pour convaincre de la nécessité d'instituer une journée internationale de la paix et du vivre-ensemble. Bentounès a déjà entamé des démarches auprès des instances de l'ONU. Le dernier Sommet humanitaire mondial, organisé en mai dernier à Istanbul, en Turquie, participe de cet effort collectif qui vise à "s'attaquer aux causes profondes des conflits et à œuvrer à la réduction des fragilités en investissant dans le développement de sociétés solidaires et pacifiques". C'est également dans ce sillage que l'ONG Aisa a décerné, le 21 septembre 2016, le premier prix Emir-Abdelkader "pour la promotion du vivre-ensemble et de la coexistence pacifique en Méditerranée et dans le monde" à trois personnalités d'envergure internationale : Lakhdar Brahimi, diplomate algérien, Federico Mayor, ancien secrétaire général de l'Unesco, et Raymond Chrétien, ancien diplomate canadien. Imprégnés de la culture soufie, Khaled Bentounès et son ONG travaillent à donner une assise juridique à la culture du vivre-ensemble. "Il faudrait arriver à faire du vivre-ensemble une réalité palpable. Cela nous permettrait de créer cette synergie dans la société humaine à vivre dans la culture de la paix", a-t-il conclu. De Montréal : Yahia Arkat