Le conférencier a longuement débattu de l'identité et de la culture amazighes. Invité par la section locale du RCD, Hend Sadi, professeur agrégé de mathématiques à Paris et écrivain, a animé, jeudi, à Aït Zikki, une commune de Bouzeguène, une conférence-débat portant sur la situation actuelle de la crise identitaire amazighe. Avant d'entamer sa communication, Hend Sadi a tenu à rendre hommage à Aziza Mammeri, veuve de l'illustre écrivain et grand militant de la culture berbère, Mouloud Mammeri, décédée, mercredi dernier, à Alger, à l'âge de 94 ans, et un poème fort émouvant du regretté Mouloud Mammeri a été dédié à la défunte et déclamé par l'orateur en cette douloureuse circonstance. Entamant sa conférence, Hend Sadi s'est interrogé sur les raisons du blocage de la crise identitaire : "Quand tu ne sais pas qui tu es et d'où tu viens, il est difficile de faire quelque chose pour ton pays. Quand on voit la situation de notre pays, il faut bien se dire que nous avons bien du mal à reconnaître notre identité par rapport à ce qu'elle était quand nous étions très jeunes. Elle a changé de visage par rapport aux tenues vestimentaires, aux us et aux coutumes, voire même au ‘parler' de tous les jours", dira Hend Sadi qui ira jusqu'à s'interroger : "Est-ce nous qui avons ‘décroché' du pouvoir ou bien c'est le pouvoir qui nous a rejetés ?" Et à l'orateur d'affirmer qu'"il y a une espèce de divorce entre le pouvoir et le peuple, et il faut bien admettre que l'espoir est aujourd'hui dévoyé de sa véritable trajectoire comme le préconisait la plateforme de la Soummam qui défendait la laïcité, les valeurs de la République et de la démocratie dans un pays où l'islam, le christianisme et le judaïsme pouvaient vivre ensemble et en toute fraternité. Trente années après l'indépendance, on nous impose un double reniement culturel et identitaire. Or, les Algériens refusent cette situation de fait surtout lorsqu'on rappellera qu'un certain Hadjar avait bel et bien déclaré en 1974 : ‘Je ferai de tout Algérien qui ne se reconnaît pas dans l'identité arabo-islamique un étranger dans ce pays.'". Hend Sadi a tenté ensuite de cerner toutes les causes qui ont projeté l'Algérie dans l'arabo-islamisme, niant la véritable constante du peuple algérien, celle de l'identité et de la culture amazighes. "Ceux qui se sont réellement battus pour l'Algérie ont subi la répression et leur existence a même été remise en cause", dira-t-il avec dépit. L'orateur accusera même des "oulémas" qui n'ont rien fait pour la Révolution, et il ira même jusqu'à marteler énergiquement que "le premier mal est venu de nos têtes pensantes (les oulémas) puisque la déclaration de Ben Badis ‘Chaâb el Djazaïri mouslimoun oua Ila laouroubati yentasib' (le peuple algérien est musulman, il appartient donc à l'arabité)". "Il faut bien se dire que le jugement est sans appel", s'est-t-il indigné. "Tous les élèves de l'ancienne école algérienne ont été amadoués et aucun n'a échappé à cette sentence. Les oulémas algériens ne se sont pas levés pour revendiquer l'indépendance. En 1936, Messali Hadj, qui devait animer un meeting à Constantine, a été empêché de le faire par Cheikh Al Ibrahimi qui lui a dit d'oublier l'indépendance", lancera Hend Sadi, avant de rappeler qu'"en 1963, la Constitution consacra la langue arabe comme langue nationale et officielle et aucun mot sur tamazight n'existe dans cette Constitution. La langue arabe s'est imposée comme la langue unique dans les textes algériens. Même les résistants berbères comme Jugurtha et Massinissa ont été occultés alors que Okba, lui, est considéré comme le héros de la nation tout en oubliant que beaucoup de gens ont été suppliciés par ce même Okba". Dans un véritable réquisitoire contre le pouvoir algérien, Hend Sadi regrettera que "la plateforme de la Soummam ait été complètement vidée de sa substance. Déjà, lors de la première réunion du CNRA, en 1957, la plateforme de la Soummam avait été complètement modifiée avec la suppression de nombreux articles pour la rendre plus conforme à l'idéologie de l'arabo-islamisme". KAMEL NATH OUKACI