Nul n'est au-dessus de la loi. Peu de sociétés peuvent se prévaloir de cette formule qui résume la réalité de l'Etat de droit. En Algérie, l'accès au multipartisme a, un moment, fait illusion sur la possibilité d'une réhabilitation de la primauté de la loi. Mais nos péchés sociaux inhérents au système, comme la corruption, le passe-droit et l'abus, n'ont jamais épargné ce secteur de la vie nationale. La démocratie naissante a été vite réduite à un formalisme maîtrisé au profit de l'autoritarisme traditionnel. Et la loi et la justice ont souvent servi d'instruments à la prégnance des clans, à l'enrichissement des coteries et aux excès des puissants. Ces dernières années, la réforme de la justice constitue un thème politique récurrent ; mais, en la matière, le pouvoir fait comme si l'incantation le dispensait de résolution. Les quelques changements qui touchent à la procédure, au demeurant pas toujours pris en charge, n'arrivent pas à imposer une rupture dans la pratique judiciaire. Le justiciable ne se sent pas encore à l'abri de la partialité et du trafic d'influence. Depuis une année des sanctions administratives tendant à réprimer le défaut d'éthique chez les magistrats sont osées. Si les mesures disciplinaires prises contre les magistrats indélicats sont la manifestation de la réhabilitation de la loi, l'Algérie est en bonne voie. Dix juges radiés en 2004, huit autres en 2005 ; cela devrait convaincre de la volonté, enfin manifeste, de soumettre le corps de la justice à la rigueur du règlement. La corruption, le trafic d'influence et l'abus de pouvoir qui, depuis longtemps, altèrent l'institution, sont enfin devenus des motifs de sanctions assumés dans la transparence par la hiérarchie judiciaire. Et par la justice elle-même puisque des magistrats sont poursuivis pour divers motifs liés au viol de l'éthique et du droit dans l'exercice de leurs fonctions. Que vingt magistrats soient suspendus, dont la moitié sont poursuivis, notamment pour corruption, constitue en soi une remarquable évolution. Qu'importe si les chiffres renvoient à de réelles proportions dans la déliquescence de l'institution judiciaire ou s'ils ne couvrent que la partie visible de l'iceberg. La concussion, dont il était longtemps question dans les discours génériques, est aujourd'hui combattue comme perversion reconnue qui distord l'application de la loi dans le pays. En espérant qu'il ne s'agisse point de simples sacrifices de marketing, on peut déduire des récentes mesures administratives et judiciaires qu'un tabou est levé. Et concrètement. Certes, la corruption constitue un fléau déclaré qui gangrène les institutions. Mais la justice ne souffre pas que de la tentation. S'y attaquer par la répression et la valorisation de la fonction judiciaire est un premier pas pour l'émancipation d'une justice équitable. Mais l'ingérence autoritaire des pouvoirs forme la première cause d'altération de la décision de justice. On peut moraliser une justice en combattant ses dérives morales ; mais on ne peut atteindre à l'Etat de droit si la même justice n'est pas mise hors de portée de la contrainte politique. M. H.