Si le chef de l'Etat burkinabé a passé l'éponge sur cet incident pour une raison ou une autre, les propos et le comportement, jugés arrogants voire méprisants, du président français ont suscité de vives réactions. Emmanuel Macron, jeune président français, qui n'a pas connu l'Afrique colonisée, comme il se plaît à le dire lui-même, a pourtant les mêmes reflexes que ses prédécesseurs, quand il s'agit de la position de Paris vis-à-vis de ce continent. La Françafrique, qui garantit les intérêts de la France néocolonialiste tient une place bel et bien importante dans son agenda. Ses propos en direction du président du Burkina Faso, en réponse à son interpellation par une étudiante burkinabè sur une promesse de François Hollande pour installer la climatisation à l'université de Ouagadougou, ont déchaîné une vague de réactions chez les hommes politiques de l'Hexagone ainsi que chez les internautes africains. "Vous me parlez comme si j'étais toujours une puissance coloniale, mais moi je ne veux pas m'occuper de l'électricité dans les universités au Burkina Faso ! C'est le travail du président !", a-t-il rétorqué. Voyant son homologue déserter les lieux, il ironise la scène. "Il s'en va... Reste là !", avant d'ajouter en sa direction : "Du coup, il est parti réparer la climatisation !" Pour l'homme politique français, Nicolas Dupont-Aignan, Emmanuel Macron "a été d'une grande arrogance, j'allais dire d'une violence, à l'égard des autorités du Burkina Faso". Le candidat malheureux à la dernière présidentielle française est allé jusqu'à qualifier l'attitude du patron de l'Elysée de "très méprisante, à la limite du racisme". Même le parti de l'extrême droite française, le Front national, n'y pas allé de main morte par la voix de son représentant, Nicolas Bay, pour critiquer le comportement d'Emmanuel Macron. "On savait que Macron méprisait les Français (...) mais le voir sur la scène internationale aller critiquer ouvertement un chef d'Etat dans son pays!", s'est interrogé le vice-président du FN. "C'est quand même inquiétant, beaucoup de désinvolture, beaucoup de condescendance, beaucoup de légèreté, et je ne pense pas que ce soit bon pour les relations internationales de la France", a-t-il souligné sur la chaîne de télévision publique France 2. "Macron s'est comporté à Ouagadougou comme un petit administrateur de la coloniale, imbibé d'absinthe. Paternalisme, défense du franc CFA, glorification de soldats accusés de viols en Centrafrique, la Françafrique n'est pas morte. Définitivement", a commenté un internaute français, Thomas Dietrich, sur Twitter. Une autre internaute, africaine cette fois-ci, Armelle Haya Héliot, a écrit sur le même réseau social : "Imaginons un président de pays étranger avoir une telle attitude en France et dire la même chose à Macron : quel paternalisme, quel manque de respect de son homologue ! Non rien de nouveau !". "E. Macron encore rattrapé par ses écarts de langage méprisants. Au risque de l'incident diplomatique et d'annihiler ses efforts verbaux pour sortir des rapports de domination avec l'Afrique, par ailleurs entachés car, dans les actes, tout reste à faire...", écrit également Clémentine Autain, journaliste et politicienne française du Front de gauche. Ceci étant, le langage utilisé par Emmanuel Macron lors de ses sorties a toujours prêté à polémiques. "Les kwassa kwassa pêchent peu, mais ils amènent du Comorien", avait-il affirmé le 7 juillet 2017 à Mayotte aux iles Comores. "Le défi de l'Afrique (...), il est civilisationnel. (...) Quand des pays ont, encore aujourd'hui, sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d'y dépenser des milliards d'euros, vous ne stabiliserez rien", disait-il quelques jours (11 juillet 2017) plus tard à Hambourg à l'occasion du sommet du G 20. C'est dire qu'Emmanuel Macron n'en est pas à son coup d'essai en la matière, bien au contraire. Ce qu'il a fait à Ouagadougou devant 800 étudiants burkinabés ressemble beaucoup plus à de l'humiliation, qu'à de l'humour politique. Merzak Tigrine