La transparence, la cohérence dans les chiffres, une vision à moyen et long terme, de la visibilité sur les choix politiques et économiques futurs manquent crûment dans la gestion actuelle du pays. Dans sa présentation du rapport de la Banque centrale sur l'évolution de la situation financière du pays, le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Loukal, a indiqué que le Fonds de régulation des recettes (FRR) s'est épuisé en 2017. Cette information, surprenante, vient contredire les chiffres du ministère des Finances publiée par l'APS en janvier dernier selon laquelle à septembre 2017 le Fonds de régulation des recettes (FRR) cumulait un montant de près de 1 000 milliards de dinars, représentant l'argent récupéré issu du différentiel du prix du baril fixé à 37 dollars et les prix réels du baril algérien au cours de la période en moyenne à 50 dollars. Ce qui a permis de réduire de façon très substantielle le déficit du Trésor (comblé à 83%). "Les prélèvements à partir du FFR pour financer le déficit du Trésor ont atteint 784,46 milliards de dinars, 206 milliads de dinars ont été couverts par les financements non bancaires (couvrant le restant du déficit du Trésor)", lit-on dans la dépêche de l'APS. Le FFR fonctionnait toujours, il n'était donc pas épuisé. À septembre 2017, les finances publiques ont retrouvé l'équilibre. Un indicateur donc au vert. Mais ces données se trouvent en contradiction avec les chiffres contenues dans la note de présentation du projet de loi de finances 2018. Dans une partie consacrée aux disponibilités du Fonds de régulation, le document indique que le FFR est à zéro en 2017 et 2018, c'est-à-dire épuisé et que les besoins de financements pour réduire le déficit du Trésor se situent à "-570 milliards de dinars fin 2017 et -1 815,5 milliards de dinars en 2018". Ce qui veut dire que les finances de l'Etat sont au rouge contrairement aux données du ministère des Finances. L'information donnée par l'APS, jamais démentie jusqu'ici par le gouvernement, venait ainsi contredire les propos du Premier ministre en septembre 2017 lors de la présentation du bilan d'actions du gouvernement à l'APN. "Le Fonds de régulation des recettes a été épuisé en février 2017... Nous n'avons pas de quoi payer les salaires des fonctionnaires." Une assertion destinée à convaincre les députés d'adopter le recours à la planche à billets, c'est-à-dire l'émission de nouveaux billets pour réduire le déficit du budget, réduire la dette interne et financer les investissements publics via le fonds national des investissements (FNI).* Près de 1 000 milliards de dinars dans le FFR à fin septembre 2017 Il faut relever au passage le caractère hyper-dépensier de l'Etat. Entre 2016 et 2017, le Trésor a puisé 2 200 milliards du dinars, soit l'équivalent de 22 milliards de dollars du Fonds de régulation des recettes pour financer le déficit du Trésor, indique cette note. Ce qui a vidé ce fonds en l'absence de solutions efficaces pour augmenter les revenus de l'Etat en cette période de crise. Dans ce registre, de vraies ou fausses informations, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, évoquant le plan anticrise de son prédécesseur Abdelmalek Sellal, laissait entendre qu'une partie des chiffres contenus dans le cadrage budgétaire moyen terme de ce programme, appelé pompeusement nouveau modèle économique, n'était pas juste. Un observateur averti de la situation financière du pays peut également reprocher au gouvernement Ouyahia de ne pas nous dire toute la vérité sur la situation financière du pays. Pour preuve, les contradictions entre les chiffres de la Banque d'Algérie et ceux du ministère des Finances sur la situation du FRR laissent penser que l'une de ces deux institutions publiques a fourni des chiffres faux. Qui dit vrai ou qui ment dans cette affaire ? En tout cas, cela dénote l'incohérence de la politique de communication du gouvernement. Le comble, occupé à d'autres tâches, le gouvernement ne semble pas soucieux de donner à sa gestion et à ses chiffres plus de cohérence, plus de transparence, plus de visibilité, de s'échiner à dire la vérité à la population. Le citoyen lambda, face à ce nouveau cafouillage en haut lieu, risque de plus en plus de ne point donner de crédit à ces données officielles, d'accorder sa pleine confiance à nos gouvernants, d'autant qu'il constate que le gouvernement est loin de répondre à ses préoccupations, voire pis, qu'il tente de lui faire payer la crise financière actuelle provoquée en partie par la mauvaise gestion du pays depuis plus d'une décennie. Or, ce manque de confiance a un coût social et économique. Socialement, il aggrave la facture entre le pouvoir et la société. Economiquement, l'Algérie perd avec moins d'argent, moins de capitaux drainés, avec, en outre, des surcoû1ts liés à la dégradation du risque Algérie. K. Remouche