Au-delà des rivalités internes, les enjeux géopolitiques alimentent le conflit qui s'est exacerbé depuis fin 2014. Le revers militaire subi par le controversé général Khalifa Haftar dans l'ouest de la Libye a donné lieu à une vague de bombardement contre les quartiers résidentiels, provoquant en moins de deux semaines la mort d'une vingtaine de civils et de dizaines de blessés, selon des bilans recoupés par plusieurs sources. L'intensification des tirs de missiles, dont le dernier en date a visé l'hôpital central de Tripoli (14 civils blessés au moins), a suscité la réaction de sept organisations onusiennes qui ont signé ce week-end une déclaration conjointe, avertissant contre la poursuite de ces violations répétées contre les civils, dans un contexte de pandémie du coronavirus. Les signataires du texte affirment que plus de 400 000 personnes ont été déplacées durant ces neuf dernières années de conflit armés, dont "environ de la moitié d'entre elles au cours de l'année dernière (seulement, ndlr), depuis le début de l'attaque contre la capitale Tripoli", en avril 2019, par les troupes du général Khalifa Haftar. Vendredi, la Mission de l'ONU en Libye (Manul) a signalé "17 attaques et frappes contre des établissements sanitaires en Libye depuis le début de l'année", ajoutant que "ces attaques continuent", malgré la multiplication des appels à une "trêve humanitaire" émanant de partout. Au-delà des rivalités internes opposant les autorités parallèles de l'Est libyen au Gouvernement d'union nationale (GNA), établi à Tripoli, les enjeux géopolitiques alimentent ce conflit qui s'est exacerbé depuis fin 2014, avec l'entrée en scène du général Haftar, qui avait lancé à l'époque dans l'est du pays l'opération al-Karama, ayant officiellement pour objectif de déloger les groupes terroristes de Benghazi et de Derna, proche de la frontière avec son soutien égyptien. L'ingérence émiratie, égyptienne, saoudienne, jordanienne, russe et française à un degré moindre, aux côtés de Haftar, et celle de la Turquie et du Qatar, en appui au GNA, ont fait de la Libye un terrain de lutte par procuration, ajoutant au chaos provoqué par l'intervention de l'Otan en 2011 contre Mouammar Kadhafi, sous-couvert de ce qui est qualifié d'"ingérence humanitaire". L'intervention militaire d'Ankara, en soutien au GNA, a freiné les ardeurs de Haftar qui essayait vainement, depuis avril 2019, de s'emparer de Tripoli. Ses troupes ont perdu le mois dernier le contrôle de six villes côtières à l'ouest de la capitale, l'obligeant à battre en retraite. Ce qui fait dire au GNA que l'intensification des tirs de missiles contre les civils à Tripoli "sont des opérations de représailles de Haftar pour cacher sa défaite militaire". Le soutien politique apporté jeudi par l'Otan à Ankara en Libye, via son secrétaire général Jens Stoltenberg dans un entretien accordé au quotidien italien La Repubblica, est-il annonciateur d'une redistribution des cartes dans ce pays ? "L'Otan est prête à aider la Libye à accroître ses capacités de sécurité et de défense", a-t-il affirmé, précisant que l'organisation de l'alliance atlantique est "prête à venir en aide au gouvernement de Tripoli".