Les habitants d'Agouni Gueghrane, dans la daïra des Ouadhias, ont commémoré, avant-hier, le 38e anniversaire de la disparition du célèbre chanteur Slimane Azem, décédé le 28 janvier 1983, à l'âge de 65 ans en France. En dépit de la crise sanitaire, des dizaines de personnes sont venues des quatre coins de la wilaya et d'autres régions pour assister à cet événement initié par l'association Tarwa n'Dda Slimane de France avec le comité de village d'Agouni Gueghrane. "Ce 38e anniversaire de la mort de Dda Slimane est une occasion reconstruire sa maison natale afin de le replacer et de le ressusciter dans notre village. C'est aussi une occasion de faire connaître notre association créée en France dans le sillage de la Covid-19 par la diaspora établie à l'étranger en vue d'aider les compatriotes du village au moment de la crise sanitaire", a déclaré Mustapha Batou, représentant de l'association, avant de céder la parole au concepteur des plans de restauration de la maison familiale de Slimane Azem. Mohand Ouachour Barouane, l'architecte, a présenté les plans de ce que sera cette demeure. "Cette maison sera un repère de plus pour les générations futures car c'est ici que naquit le grand pilier de la culture kabyle. Elle a désormais une valeur historique, culturelle et artistique", a-t-il expliqué. Hocine Azem, porte-parole de la famille, n'a pas manqué, à l'occasion, de rendre hommage à cette jeune association qui a initié le projet. L'orateur a également profité de l'occasion pour éclairer la population sur certains mensonges colportés sur l'engagement du chanteur dans la Révolution algérienne. De son côté, Arab Aknine, acteur du Mouvement culturel berbère et auteur de plusieurs écrits sur Slimane Azem, a rappelé que Dda Slimane est un poète kabyle qui a choisi la poésie de résistance aussi bien durant la guerre de Libération nationale qu'après l'indépendance en dénonçant les pratiques du pouvoir. "Entre lui et le regretté Ahmed Sabar, un chanteur oranais, il y avait une ressemblance. Ils ont tous les deux travaillé la même poésie. D'ailleurs, la mort d'Ahmed Sabar était même suspecte. Dda Slimane avait chanté dans toutes les langues pour se faire comprendre. Il était le pionnier de la chanson kabyle en exil", a-t-il témoigné, tout en expliquant qu'il avait été interdit d'antenne en 1967 par le régime de Boumediène. "Il n'était pas interdit parce qu'il était du côté des juifs après leur victoire sur les Arabes en 1967 pour lesquels, il n'était ni pour ni contre, mais parce qu'il était membre fondateur de l'Académie berbère qu'il avait créée avec plusieurs militants de la cause amazighe", a-t-il expliqué convaincu. Peu avant midi, la procession s'est déplacée à la maison natale de Slimane Azem qui est en ruine tant il ne reste sur les lieux qu'un amas de pierres et le pilier central. Sur place, sa nièce et d'autres femmes de sa lignée ont déposé une gerbe de fleurs devant le pilier central et allumé des bougies dans un chandelier légué par la sœur de Dda Slimane à l'une de ses filles. Ensuite, Mohamed Azem, ayant connu son oncle dans les années 50, a été appelé à déposer symboliquement la première pierre pour la restauration de cette maison tant attendue sous les applaudissements et les youyous qui fusaient de partout. "Aujourd'hui, c'est la deuxième naissance de mon oncle", a tonné sa nièce, la gorge nouée. Il est à noter que cette maison deviendra à l'avenir le siège de la fondation Slimane-Azem, qui sera créée prochainement et, en même temps, le musée où sera réunie l'œuvre impérissable de ce grand humaniste et artiste, comme le souhaitent les membres de Tarwa n'Dda Slimane.