Djaâfar Gacem, qui a animé une conférence de presse en marge de la projection d'"Héliopolis", a reconnu qu'il appréhendait l'entreprise de cette nouvelle aventure cinématographique. Organisée par la commission culturelle de la ville de Constantine en collaboration avec l'ONCI, la projection du dernier-né de Djaâfar Gacem, jeudi passé, à la salle Ahmed-Bey (Zenith), a permis à un large public de renouer avec le chemin des salles obscures dans une cité où toutes les salles de cinéma demeurent fermées. Une occasion aussi pour le producteur du film, le Centre algérien de développement du cinéma (CADC) en l'occurrence, et le réalisateur lui-même de promouvoir leur production. Héliopolis, une fiction racontée avec une trame de fond basée sur des faits réels qui remontent au début des années 1940 et relatant l'une des pages les plus sombres de l'occupation coloniale, à savoir les massacres du 8 Mai 1945. Djaâfar Gacem, qui a animé une conférence de presse en marge de cette projection, a reconnu qu'il appréhendait l'entreprise de cette nouvelle aventure cinématographique. "Quels que soient le capital expérience et le nombre des productions antérieurs dont on dispose, le passage de la télévision vers le cinéma charrie assurément des craintes. C'est le septième art dans sa dimension réelle et donc qui a des exigences plus importantes", dira-t-il. À travers cette production, il s'est néanmoins assigné un double objectif, celui "de contribuer à faire renouer le public algérien avec le chemin des salles de cinéma, puis de faire connaître au niveau international une partie de l'histoire, méconnue surtout par la nouvelle génération de l'ancienne puissance coloniale". Lors des castings, poursuit-il, les comédiens français qui ont pris part à ce film avaient les larmes aux yeux à la lecture du scénario". À la question de savoir dans quelle mesure le film Héliopolis peut-il contribuer au débat sur la mémoire, entamé de part et d'autre de la Méditerranée, Djaâfar Gacem rappellera que son film a été tourné en 2018 et que le scénario était prêt et accepté bien avant l'ouverture par Alger et Paris de ce dialogue. "Nous n'avions aucune intention de donner une dimension politique qui colle à cette actualité de dialogue sur la question de la mémoire. Présentement, j'espère qu'Héliopolis fasse bouger les choses, car l'on doit révéler certaines exactions commises par l'armée coloniale. Aussi, je pense modestement que, mis à part quelques essais qui ont effleuré ces événements, Héliopolis est le premier film consacré au 8 Mai 1945 en Algérie. J'espère donc qu'il pourra déranger une certaine diaspora et que les jeunes, en Europe surtout, comprennent que si nous tournons la page, nous n'oublions pas pour autant." Et d'expliquer l'importance de ces événements dans l'évolution des approches du mouvement national : "Les événements du 8 Mai 1945 sont en fait la goutte qui a fait déborder le vase, car depuis le début de l'occupation française il y a eu des massacres et des résistances. On s'est intéressé à Héliopolis par rapport à la symbolique. Celle de la cruauté inégalable du recours aux fours à chaux pour faire disparaître les corps des milliers de victimes." Pour son film, il dira : "Si nous nous sommes démarqués de l'approche des films révolutionnaires des années 1970, c'est surtout une manière de donner plus d'importance à la fiction en s'appuyant sur la liberté qu'offre cette démarche au réalisateur pour dire la vérité. La vérité sur le discours de Ferhat Abbas à Guelma, sur les massacres perpétrés dans cette ville avec l'appui de la police, la gendarmerie et le sous-préfet de Guelma et sur les fours à chaux de Héliopolis. Nous voulions faire un film d'humain et non pas un film du méchant et du gentil, et nous voulions présenter à travers le personnage de Mokdad, qui est fils d'un gaïd comme Ferhat Abbas, un personnage complexe. Il y a une histoire humaine avant tout. Les hommes changent d'avis par nature, et c'est le cas de Mokdad et de Mahfoud dans le film. On ne naît pas moudjahid ou harki mais on le devient, et Héliopolis est une expérience où l'on montre l'interaction de l'humain avec les faits de l'histoire. En somme, nous avons essayé de raconter avec beaucoup de sincérité une histoire humaine dans un contexte historique donné." Sur le choix du lieu du tournage qui s'est déroulé majoritairement à Aïn Témouchent, il estime que, "à l'inverse du film documentaire, le cinéma offre plus de choix dans le décor, pour peu que l'histoire soit respectée. Nous avons fait des repérages un peu partout, et c'est à Aïn Témouchent, dans la commune d'El-Maleh plus précisément, que nous avons trouvé une architecture coloniale plus ou moins préservée". Djaâfar Gacem ne veut pas s'arrêter là. Il révèlera qu'un projet de film sur les essais nucléaires de Reggane est en gestation. Insistant sur le fait qu'il ne veut pas être le réalisateur de l'histoire algérienne, il pense néanmoins qu'il y a des moments de l'histoire de la révolution algérienne qui sont très importants et qui méritent d'être racontés. Le réalisateur parlera également du problème de la distribution des œuvres cinématographiques algériennes à l'étranger et plaidera pour le partenariat et la coproduction car, dit-il, "le partenaire étranger peut apporter un plus en termes d'expérience dans la production cinématographique, de techniques, de formation des techniciens algériens et d'aide dans la distribution à l'étranger, laquelle offre plus de visibilité et de chance à nos productions dans des événements internationaux". Kamel Ghimouze