“Que voulez-vous qu'on fasse ?” Groggy, Mme Mostfaoui, directrice d'une école privée à Tizi Ouzou, est sans voix. Depuis hier, son établissement est à l'arrêt. La notification de fermeture est tombée jeudi. “Nous avons préféré renvoyer les élèves de crainte qu'ils soient choqués. Des policiers ont été dépêchés ce samedi devant les écoles concernées par cette mesure pour s'enquérir de l'exécution de la décision.” Comme elle, les responsables de ces lieux du savoir ont été pris de court par la tournure des choses. Ils s'étonnent de la décision de la tutelle, alors que les dossiers de demande d'agrément déposés depuis sept mois auprès des instances concernées n'ont, à ce jour, pas reçu de réponse. “Le ministère de l'éducation nationale nous avait donné un délai jusqu'au mois de juin prochain pour régulariser notre situation, et voilà qu'on perturbe la scolarité des enfants au milieu de l'année et à la veille des examens. C'est scandaleux”, fulmine un enseignant visiblement dépité. “Qu'allons-nous devenir ? A-t-on pensé au cursus des milliers d'enfants qui fréquentent ces établissements ?” La déception se lit sur le visage de tout le personnel réduit au chômage du jour au lendemain. Même indignation du côté des parents d'élèves. “C'est tout à fait criminel d'interrompre, comme ça, intempestivement, par une idée saugrenue, la scolarité de mon enfant, de mes enfants puisque ce sont des centaines qui ont brusquement vu leur scolarité arrêtée. Ainsi va-t-on “chercher le savoir même en Chine ?” À l'école publique, c'est l'orientation forcée, à contre-courant de la véritable éducation souvent la hogra pure et simple pour faire de votre enfant un mutant, un OGM, outre la mauvaise rémunération des enseignants d'où leur fuite, et absences fréquentes. Quel est cet enfant qui peut réussir aujourd'hui ses examens à l'école publique sans avoir fait des cours supplémentaires payants ? C'est révoltant ; je vous jure qu'à ce rythme le colonialisme n'aura pas “réalisé” autant de massacre sur nos enfants. Demandez à un jeune dehors aujourd'hui de vous expliquer une phrase dans un journal en arabe, en kabyle. Et n'essayez surtout pas en français, car vous aurez encore plus de déception. Pour vous dire que même le butin de guerre avec lequel nous nous sommes libérés du joug colonial est inexorablement perdu…”, commente un père de famille. A. T.