Pour n'avoir pas figuré dans les mœurs du personnel politique, prompt plutôt à voler à la rencontre des victoires annoncées, confit à la culture de l'unanimisme et d'être toujours du bon côté de la manche, le procédé semble, à première vue, beaucoup plus participer de la manœuvre que d'une réelle volonté d'exprimer un désaveu sur la base d'un constat d'échec. Depuis quelques jours, en effet, le Front de libération nationale, parti majoritaire dans les assemblées, menace d'une motion de censure le Chef du gouvernement. En d'autres termes, le FLN, dont le président d'honneur, soit dit en passant, n'est autre que le président de la République Abdelaziz Bouteflika, ne veut rien de plus que “la tête” d'Ahmed Ouyahia. Raison de cette subite fronde, selon les arguments invoqués : un bilan jugé en-deçà des attentes et une lenteur dans la conduite des réformes. Mais, depuis quand le FLN se découvre-t-il les vertus de l'opposition ? Hormis la parenthèse d'Abdelhamid Mehri au milieu des années 90, vite fermée par “le coup d'Etat scientifique”, et la fronde d'Ali Benflis, l'ex-Chef du gouvernement, en 2002, avec la suite qu'on connaît, l'ex-parti unique n'a jamais pu, à vrai dire, évoluer en dehors du giron du pouvoir. Véritable appareil, il a cautionné toutes les politiques depuis l'Indépendance. Et si aujourd'hui donc il hausse le ton, c'est qu'il doit certainement avoir des raisons suffisantes ou un signal pour monter au… front. Flash-back sur une “guerre” qui n'a pas encore livré tous ses secrets. Avril dernier : le Président décide d'une virée dans l'Algérois. Accompagné d'une forte délégation de ministres, le Président, en inspectant certains chantiers, charge publiquement devant les caméras certains parmi eux, pour la plupart appartenant au RND. Pour de nombreux observateurs, la colère du Président ne visait pas tant les ministres autant que le chef d'équipe qui, lui seul, était comptable devant lui du rendement de l'Exécutif. “Vous m'avez caché la vérité”, a pesté Bouteflika devant des ministres où l'embarras le disputait à l'étonnement. Mais, parallèlement, un duel en sourdine, entamé depuis des mois, opposait le chef du FLN au chef du RND, particulièrement autour de la question des salaires et de la révision constitutionnelle. Tandis qu'Ouyahia affirmait que “la révision constitutionnelle n'est pas à l'ordre du jour des institutions de la République, et que s'il s'agissait d'ouvrir la porte à un troisième mandat pour le Président, il suffisait pour cela de réunir les deux chambres et de procéder à un amendement”, Belkhadem, lui, avec un aplomb qu'on ne lui connaissait pas, répétait à qui voulait bien l'entendre qu'“il n'engageait pas des batailles pour les perdre !” Mais, le plus curieux dans cette levée de boucliers chez l'ex-parti unique est qu'il conteste un bilan d'un Exécutif dans lequel il dispose de la majorité des portefeuilles, et au moment où l'on se gargarise de nombreuses réalisations, dont notamment la construction de nombreux logements et de la réduction du taux de chômage, sans compter le retour supposé de la paix. Dès lors une question s'impose : qu'est-ce qui fait courir le FLN ? À moins de créer une diversion pour accréditer la thèse d'une vie politique, le fin mot reste peut-être la volonté de mettre en difficulté un homme qui s'oppose à la révision de la Constitution et qui apparaît comme un potentiel candidat pour 2009. Les grandes manœuvres ont-elles commencé ? KARIM KEBIR