Bisbilles entre actionnaires, propension des membres du club amateur à diaboliser ces derniers, confusion autour des prérogatives et devoirs de chacune des deux entités en place, club sportif amateur (CSA) et société sportive par actions (SSPA)… Deux ans après l'instauration du championnat professionnel de football, la situation au sein des trois clubs pro de la ville du Vieux-Rocher fait redouter le pire. Printemps 2010, des assemblées générales extraordinaires des clubs amateurs sont tenues un peu partout en Algérie avec un unique et même objet : la validation de l'option du passage au professionnalisme, terme alors pas tout à fait galvaudé et porteur de promesses de lendemains meilleurs pour une discipline qui n'arrivait même plus à fournir des joueurs à l'équipe nationale, et ce en dépit de ses 1,8 million de licenciés. Au niveau des clubs constantinois, et bien que le ton était à l'optimisme béat, la création des sociétés commerciales devant pourvoir aux besoins desdits clubs ne s'était pas effectuée sans mal. En effet, une fois l'euphorie retombée, les aspirants actionnaires durent faire face à la triste réalité : créances s'élevant à des milliards de centimes, stades non conformes aux conditions contenues dans le cahier de charges, estimation «fantaisiste» du patrimoine des clubs… Bref, les trois associations sportives de la ville officiant en première et deuxième division, en l'occurrence le Club sportif constantinois (CSC), le Mouloudia Olympique de Constantine (MOC) et l'Association sportive du Khroub (ASK) passèrent «professionnelles», et ce qui devait signer le retour à la sérénité au sein de ces clubs marquera au contraire, le début de luttes intestines jusqu'alors insoupçonnables. Dans ce registre, le CSC a particulièrement pâti du manque de consistance de son conseil d'administration. En effet, sur les quatre actionnaires ayant eu à chapeauter le conseil d'administration de la SSPA CSC 1898, trois se sont carrément retirés de la société en revendant leurs actions (Ounis, Bencheikh Lefgoun, et tout récemment Chenni). Le quatrième, en l'occurrence Yacine Fersadou, qui est aussi président du CSA, menace à son tour de quitter le navire à la fin de l'année. Cette instabilité chronique ainsi que les complications administratives relatives à la dissolution de la SSPA en juin passé en raison du retrait massif d'actionnaire (les deux premiers présidents ainsi que Souilah), ont influé négativement sur le dossier du CSC au niveau du ministère de tutelle lequel n'a pas encore débloqué les subventions promises aux clubs professionnels. Ceci dit, il faut reconnaître que pour la majorité des observateurs, l'administration du CSC se résume à une seule personne : l'omnipotent Mohamed Boulhabib, plus connu sous le sobriquet de Soussou. Ce dernier, seul président à avoir offert le titre de champion aux Vert et Noir en 1997, est plus puissant que jamais car il se permet le luxe de n'occuper aucune fonction officielle tout en faisant la pluie et le beau temps au sein du club, et l'on se souvient des manœuvres de ce dernier pour bouter dehors l'entraîneur Khezzar ou encore les actionnaires cités plus haut. En résumé, le CSC continue de fonctionner exactement comme auparavant, soit de manière purement autocratique, ce qui n'augure pas de lendemains sereins, la preuve : le début de clash entre Boulhabib et l'entraîneur Rachid Bouarrata au sujet de déclarations à la Radio locale critiquant ce dernier, et la probabilité du prochain départ du coach qui fera sans doute entrer le club dans la tourmente et mettre sérieusement en danger sa première saison parmi l'élite. A quelques encablures de là, le voisin khroubi n'en mène pas plus large. On se souvient du nombre incalculable de réunions et d'assemblées générales ayant pour thème le passage au professionnalisme, on se souvient aussi de l'espoir suscité par les folles promesses du premier président du CA Abdelhamid Guedjali de faire de l'ASK une machine à gagner des titres, et également de l'ex-international Mustapha Dahleb se promenant dans les artères du Khroub et prêchant la cause de son ami expatrié revenu au pays apporter son «savoir-faire». De tout cela, il ne reste plus rien, Guedjali fut débarqué à peine quelques mois après son intronisation, après ce fut Hourabi lequel tiendra un trimestre au poste, suivi de Dib et d'Abdelâali. Depuis mercredi dernier, c'est à Abbas Laïfaoui qu'a échu la mission de présider le conseil d'administration de la société ASK Massinissa. Cette nomination n'a pas été sans susciter moult interrogations quant à la capacité de ce dernier à assurer ce nouveau rôle, d'autant plus que le départ de Dib et d'Abdelâali a été entériné le jour même. Du côté du CSA, Milia fut, lors d'une AG houleuse, remplacé par Guitouni, lequel entrera en conflit direct avec les autres membres du CA au sujet des subventions versées dans le compte du club amateur, et lesquelles seront destinées, selon lui, à régler les dettes de l'association alors que les actionnaires voulait mettre à profit cette manne providentielle pour payer les salaires des joueurs… Ultime rebondissement : Mahmoud Hourabi refait son apparition et parle d'ester les membres de la SSPA en justice à propos d'une falsification du registre de commerce de cette dernière, c'est dire que les choses se compliquent sérieusement. Si l'on est tenté de penser que le MOC, évoluant en deuxième division depuis des années et ayant été délaissé par beaucoup de ses supporters, échappe aux situations conflictuelles dans lesquelles se trouvent empêtrés ses deux voisins du premier palier, les épisodes rocambolesques qui se déroulent depuis deux ans à la Coupole démontrent tout à fait le contraire ! Si au niveau du CSC et de l'ASK, on change fréquemment de président du CA, au MOC, il n'y en eut qu'un seul, c'est Abdelhakim Madani, l'ennui est que ce dernier a démissionné au mois d'août passé, et que depuis, le club est sans président, l'intérimaire Bouziane ayant lui aussi jeté l'éponge. Pour le moment, c'est Messaoud Bourefaâ, désigné «manager général du club» et également coopté à la tête du CSA qui se charge des salaires des joueurs ainsi que des différentes dépenses et qui est pressenti depuis un bon moment à la tête du club. L'autre handicap qui pourrait défavoriser Bourefaâ : son âme damnée Hacène Adoui, et dont la présence dans l'environnement mociste et aussi bien décriée par les supporters que par les actionnaires. Bref, à l'image de ses deux voisins, le Mouloudia de Constantine n'entrevoit pas encore le bout du tunnel. Il serait utile de préciser que le flou administratif dans lequel se trouvent les trois clubs est le lot quotidien de pratiquement toutes les associations sportives «professionnelles» au niveau national, les exemples sont légion… Il ne reste qu'à espérer que l'on parlera d'autre chose en faisant le bilan de l'an III d'un professionnalisme aussi bien «subi» que «subit».