L'univers artistique algérien s'enrichit de jour en jour, et il dément ceux qui ont pour spécialité les mauvais augures. La planète artistique Algérie vole bien haut sur les expositions qui se suivent et ne se ressemblent sûrement pas. Pour cette fois, en ce prolifique mois d'avril, un artiste nous montre son travail à la Galerie Sirius au boulevard Krim Belkacem. «Un CONscient», est une exposition hybride inaugurée le vendredi 1er avril 2016, paradoxalement, on est loin des traits d'humour du premier avril, et on est aussi loin des traits d'humour souriant dudit Mizo, qui nous avait habitués à des notes artistiques souriantes. Il s'agit donc d'une exposition qui reprend du poil de la bête. En effet, la plasticienne Valentina Ghanem, dans cet espace dédié aux arts, avait eu quelques semaines de latence pour souffler et mieux rebondir. Elle nous propose pour cette fois une exposition-photo, quelques œuvres d'un enfant terrible des arts plastiques algériens, en l'occurrence Mizo, enfant à la mode, enfant de la mode toutes tendances confondues, photographe brillant et incarnation de la jeune génération métro sexuelle et décomplexée. Mizo artiste prolifique prend habituellement dans ses travaux le temps de ses prises de vues dédiées à la beauté pure, un peu à l'anti chambre de Olivero Toscani qui fait poser ses sujets dans des mises en scènes aussi provocantes que touchantes. Mizo lui, fait poser ses modèles longtemps en studio, il réalise des castings où il peut arriver que ses travaux regroupent plus de vingt personnes à la fois ; mais l'objectif final reste cette photo ultime, qu'elle incarne la jeunesse, la beauté d'un être ou d'un produit, et aussi un objet, des bijoux...tout cela dans l'incarnation de ce que l'art peut produire de plus beau en soi. Mais voilà tout, le sieur Mizo n'est pas celui qu'on croit...Un beau gosse, né avec une cuiller d'argent dans la bouche et un objectif photo super luxe, entouré par des égéries et des groupies de tous bords criant et levant les bras dans leur délicates anorexie à la mode. Hamza Aït Mekideche, son nom civil, est un auto-entrepreneur, self made man, entouré malgré tout par une fine équipe. En artiste visuel très présent sur la scène artistique depuis 2007, il sonde profondément nos valeurs esthétiques les plus anciennes, la mythologie, grecque ou pas ! Le Haïk comme élément fondamental de la sociologie algérienne, les femmes dans leur profondeur et la richesse de leurs inspirations esthétiques. Dans cet « Un CON Scient », il est un plasticien révolté qui revendique des choses sur six grands formats insolites, trois d'entre eux sont disposés au rez-de chaussée. Mais voilà, il interdit que l'on prenne des photos de ses propres photos, une sorte de sceau du secret imposé aux visiteurs épris de ses travaux. Ici, en fait, nul besoin de prendre des souvenirs, il s'agit en fait de prendre son parti sur le fait. En effet, le mystère est voulu, il est imposé sur le choix délibéré de choquer par d'obscures photos auxquelles il a voulu donner le ton de l'argentique, inutile de rappeler que Mizo est d'abord un enfant de l'argentique qui, dans cette exposition, nous montre un procédé qu'il a voulu comme ésotérique, sensationnel et d'une redoutable efficacité par des « mixtures » originales, plusieurs passages imposés par le casting de ses modèles, les choix de la scène et ensuite plusieurs passages peints à l'acrylique noire et avec des médiums de sa compositions le tout sur des scènes actuelles troublantes et émotionnelles, des fonds noirs, masses informes sombres sur une scène un peu métallisée et parsemées de touches barbelées avec de multiples allers retours sur ces photos-peintures avec la délicate sensation qu'il s'agit d'un seul jet, le travail est construit donc sur l'évocation de ces frontières obscures, des centres de rétention froids comme la mort et tous les drames de ces personnes en mouvements permanents qui s'en vont, souvent poussés par leurs propres drames, frapper en transcendant la mort sur des portes souvent closes, quand elles ne sont pas habillées de tous les barbelés les plus repoussants. La violence par les lames barbelées, un choix esthétique de Mizo qui oublie sciemment de sourire dans cette exposition dans laquelle son engagement est décliné sur ces supports et qui nous montre l'immense sagesse d'un personnage d'habitude haut en couleur qui pour cette fois montre la gravité de ses orientations esthétiques et sa « parole » dessinée sur nos peurs, nos espoirs, nos doutes et nos désillusion. « Un Con Scient » est un cri en noir et blanc, plus sombre que de raison, il est destiné à faire parler ceux qui ont éteint toute forme d'altérité, le cri est jeté à la face et aux yeux de ceux qui refusent de voir. Une belle exposition à voir à tout prix. Exposition Photo-Peinture, «Un Con Scient » de Mizo, Galerie Sirius, du 1er Avril 2016 et en continuation jusqu'à la fin du mois, Bd Krim Belkacem, Telemly, Alger, entrée libre.