L'objet de cette présente contribution n'est pas de rentrer dans des polémiques stériles mais de poser objectivement la problématique de la rentabilité future des usines de montage de voitures en Algérie. Tout opérateur et ce par le monde, est mu par la seule logique du profit, appartenant à l'Etat régulateur par un cahier de charges précis de préserver les intérêts supérieurs du pays. Car, les contraintes internationales sont là et face aux mutations mondiales, la filière automobile connait des restructurations, des fusions et des délocalisations des grands groupes, avec des capacités de production élevées. Le marché mondial de voitures en perpétuel mutation est un marché oligopolistique où quelques firmes contrôlent les circuits internationaux. Il semble bien que certains responsables algériens oublient que la mondialisation est bien là avec des incidences politiques et économiques, voulant perpétuer un modèle de politique industrielle dépassé des années 1970 qui ne peut que conduire le pays à une grande dépendance et à l'endettement à terme. La presse algérienne s'est faite l'écho récemment de la volonté de plusieurs opérateurs algériens de vouloir se lancer dans des projets de construction de voitures. L'Algérie fabriquerait ainsi des voitures françaises, italiennes, iraniennes, chinoises, sud coréennes et allemandes... Se pose cette question, face aux mutations mondiales, quel est le seuil de rentabilité de tous ces mini -projets de voitures, l'Algérie étant appelée à évoluer au sein d'une économie ouverte, pour éviter des rentes perpétuelles, le protectionnisme parfois nécessaire étant transitoire ? 1.- Au 01 janvier 2016, selon l'ONS (Organe officiel de la statistique), le parc national automobile (PNA) a totalisé 5 683 156 véhicules à fin 2015, en hausse de 4,75 % (250 000 unités de plus) par rapport à l'année précédente. Cette augmentation du PNA s'explique par la hausse des immatriculations de véhicules neufs 2015 par rapport à 2014 de plus de 900 000 unités, soit 7,72%. Les immatriculations de véhicules neufs importés confirment leur mise en circulation effective alors que la réimmatriculation consiste à établir une nouvelle carte grise suite à un changement de wilaya de résidence pour un véhicule circulant en Algérie. Le nombre des opérations d'immatriculations et réimmatriculations est passé de 1 397 554 opérations en 2014 à 1 505 403 opérations en 2015. Selon l'ONS, le nombre des immatriculations des véhicules particuliers neufs a diminué passant de 301 722 unités en 2014 à 257 589 en 2015, soit une baisse de 14,63 % et que, contrairement aux années passées avant l'introduction des licences d'importation, la quasi totalité (91,3%) des véhicules neufs importés en 2015 qui était de l'ordre de 282 119 unités a été immatriculée au cours de leur année d'importation. Pour rappel le parc en Algérie, selon l'ONS avait atteint en 2014 plus de 5 425 000 voitures. Par catégorie de véhicules, le PNA est constitué essentiellement des véhicules de tourisme avec 3 483 047 unités (64,2% de la totalité), des camionnettes avec 1 083 990 (près de 20%), des camions avec 396 277 (7,3%), des tracteurs agricoles avec 146 041 (2,7%), des remorques avec 134 019 (2,47%), des autocars et autobus avec 82 376 (1,52%), des motos avec 20 380 (0,38%) et des véhicules spéciaux avec 4 756 (0,1%). La répartition du PNA selon les tranches d'âge des véhicules montre que le nombre des moins de 5 ans a atteint 1 253 731 unités (23,11% de la totalité du parc à fin 2014), des 5 à 9 ans à 933 006 véhicules (17,2%), des 10 à 14 ans à 346 788 (6,4%), des 15 à 19 ans à 214 287 unités (3,95%), des 20 ans et plus à 2 677 746 (49,35%). Pour le type de carburant utilisé, l'essence représente 65% et le gasoil 34%, l'utilisation du GPLC étant marginale. Evitons la précipitation pour des raisons de prestige, l'Algérie étant une petite nation et soyons pragmatique loin de l'activisme qui peut conduire le pays à une impasse. Il y a lieu de tenir compte que l'économie algérienne est irriguée par la rente des hydrocarbures (98% des exportations totales avec les dérivées). L'évolution des cours détermine fondamentalement le pouvoir d'achat des Algériens. L'inflation qui est de retour induit la détérioration du pouvoir d'achat. Le revenu global doit être corrigé devant tenir compte de la répartition du revenu et du modèle de consommation par couches sociales, un agrégat global ayant peu de significations. Plusieurs questions se posent auxquels toute politique économique cohérente doit répondre. 2.-Le ministère de l'Industrie doit répondre à dix questions -Premièrement, qu'en sera-t-il avec l'épuisement inéluctable des hydrocarbures en termes de rentabilité économique et non de découvertes physiques sur le pouvoir d'achat des Algériens? Dans ce cas par rapport au pouvoir d'achat réel, (alimentaires, habillement notamment plus les frais de loyer et téléphone) et avec le nivellement par le bas des couches moyennes, que restera –il en termes de pouvoir d'achat réel pour acheter une voiture, le niveau d'endettement ayant une limite ? -Deuxièmement, faute d'unités industrielles spécialisées, renvoyant à l'économie de la connaissance afin de favoriser des sous-traitances intégrées, quelle sera la balance devises des unités projetées ? D'autant plus que la majorité des inputs (coûtant plus cher avec le dérapage du dinar) seront presque importés devant inclure le coût de transport, également la formation adaptée aux nouvelles technologies et les coûts salariaux. -Troisièmement, les normes internationales, du seuil des capacités au niveau mondial se situent entre 200 000 et 300 000/an pour les voitures individuelles, environ 100 000 unités/an pour les camions/ autobus et évolutives avec les grandes concentrations depuis 2009. La comptabilité analytique distingue les coûts fixes des coûts variables quel est donc le seuil de rentabilité pour avoir un coût compétitif par rapport aux normes internationales et aux nouvelles mutations de cette filière ? La carcasse représentant moins de 20/30% du coût total c'est comme un ordinateur, le coût ce n'est pas la carcasse (vision mécanique du passé), les logiciels représentant 70/80%, ces mini projets seront –ils concurrentiels en termes du couple coûts/qualité dans le cadre de la logique des valeurs internationales? -Quatrièmement, quelle est la situation de la sous traitance en Algérie pour réaliser un taux d'intégration acceptable qui puisse réduire les coûts ? En faisant une comparaison avec les pays voisins où le taux d'intégration est plus élevé par rapport à l'Algérie, des experts ont souligné lors forum à El Moudjahid en ce mois de mars 2017 qu'en Tunisie, le nombre des entreprises sous-traitantes représente 20% des entreprises industrielles (1 000 entreprises de sous-traitance parmi 5 000 entreprises industrielles), alors qu'au Maroc, le taux est de 28% (2 000 entreprises de sous-traitance sur 7 000 sociétés industrielles). Et que le secteur industriel représente actuellement 5% seulement du PIB, alors que les besoins exprimés en matière d'équipement industriel et de toute autre composante industrielle et de pièces de rechange sont globalement de 25 milliard de dollars. Le nombre d'entreprises sous-traitantes recensées en Algérie est globalement autour de 900 000 entreprises, mais 97% de ces entreprises étant des PME, voire de toutes petites entreprises (TPE) avec moins de 10 employés et qu' environ 9 000, soit 1% activent pour le secteur industriel, le reste opérant soit dans le secteur commercial, la distribution, les services, le BTPH -Cinquièmement, dans une vision cohérente de la politique industrielle tenant compte de la forte concurrence internationale et des nouvelles mutations technologiques dans ce domaine, ne se fallait –il pas par commencer de sélectionner deux ou trois constructeurs algériens avec un partenariat étranger gagnant/gagnant maitrisant les circuits internationaux avec un cahier de charges précis leur donnant des avantages fiscaux et financiers en fonctions de leur capacité. Ainsi pour un taux d'intégration variant entre 0 et 10% les avantages doivent être limitées au maximum et devant leur fixer un deuil de production ne dépassant pas 5 000 unités/an afin d'éviter que durant cette période certains opérateurs soient tentés dans une logique de rente, d'arriver à plus de 30 000/50 000 unités/an sans intégration, accroissant par là, la facture d'importation en devises des composants. -Sixièmement, liée à la question précédente, construit-on actuellement une usine de voitures pour un marché local alors que l'objectif du management stratégique de toute entreprise n'est –il pas ou régional et mondial afin de garantir la rentabilité financière face à la concurrence internationale, cette filière étant internationalisée avec des sous segments s'imbriquant au niveau mondial ? Comment dès lors ces micro-unités souvent orientés vers le marché intérieur, réaliseront le taux d'intégration prévue de 40/50% au bout d'environ cinq années, risquant de fermer (faillite ne pouvant faire face à la concurrence internationale) après avoir perçu tous les avantages qui constituent des subventions supportées par le trésor public d'où l'importance d'une régulation stricte de l'Etat pour éviter des transferts de rente au prifit d'une minorité rentière? - Septièmement, une politique industrielle sans la maitrise du soir est vouée inéluctablement à l'échec avec un gaspillage des ressources financières. Aussi l'industrie automobile étant devenue capitalistique, (les tours à programmation numérique éliminant les emplois intermédiaires) quel est le nombre d'emplois directs et indirects créés, renvoyant à la qualification nécessaire tenant compte des nouvelles technologies appliquées à l'automobile ? -Huitièmement, quelle sera le coût et la stratégie des réseaux de distribution pour s'adapter à ces mutations technologiques? -Neuvièmement, ces voitures fonctionneront-elles à l'essence, au diesel, au GPLC, au Bupro, hybride ou au solaire renvoyant d'ailleurs à la politique des subventions généralisées dans les carburants qui faussent l'allocation optimale des ressources ? En conclusion, je ne rappellerai jamais assez que le moteur de tout processus de développement réside en la recherche développement, que le capital argent n'est qu'un moyen et que sans l'intégration de l'économie de la connaissance, aucune politique économique ou tout projet n'a d'avenir, en ce XXIème siècle, face à un monde turbulent et instable où les innovations technologiques sont en perpétuelle évolution. L'Algérie doit investir tant dans les institutions démocratiques que dans des segments où elle peut avoir des avantages comparatifs : l'agriculture, le tourisme important gisement, les nouvelles technologies et dans des sous segments de filières industrielles tenant compte des profonds changements technologiques et une importante restructuration de cette filière qui est internationalisée.