L'économie va mal en Algérie. C'est du moins ce qu'ont développé hier les responsables du Forum des chefs d'entreprises (FCE) qui ont qualifié la situation de «grave», à l'occasion d'une rencontre organisée à l'hôtel El Aurassi. La rencontre-débat, placée sous le thème «Quel avenir pour l'entreprise algérienne ?», a été l'occasion de faire un constat de la situation. Le président d'honneur du FCE, Omar Ramdane, a dressé un tableau noir de l'environnement économique du pays, le qualifiant de pire que celui vécu dans les années où l'Algérie était à feu et à sang. «Je suis inquiet pour mon entreprise et je suis inquiet pour l'économie du pays» a-t-il lancé d'emblée, devant des entrepreneurs mais aussi des spécialistes et des experts, venus apporter leur contribution. Omar Ramdane qui affirme que le «blocage est total», soutient «qu'on ne sait pas de quoi sera fait demain». Cette situation est d'autant plus préoccupante car les pouvoirs publics décident d'imposer des règlements sans concertation ni dialogue, ajoute le président d'honneur du FCE qui se demande s'il allait fermer son entreprise ou continuer à faire face à des «difficultés et des obstacles imposés». Le président du Forum des chefs d'entreprises (FCE) Reda Hamiani, abonde dans le même sens et déplore un manque de «dialogue économique de qualité», seule voie raisonnable, affirme t-il, pour «traiter de toutes les réformes structurelles dont notre pays a un besoin urgent pour construire une économie de marché solide et performante». Mettre l'entreprise au centre de la politique économique nationale, est la seule voie pour atteindre l'objectif, a indiqué Hamiani en soulignant qu'il n'est pas possible de parler d'objectifs de croissance ou de développement économique et social si la colonne essentielle qui supporte l'effort de toute politique économique nationale, à savoir l'entreprise, n'évolue pas réellement dans un environnement assaini et cohérent. La croissance économique d'un pays doit être basée sur la production réalisée par les unités industrielles, les exploitations agricoles et les entreprises de services marchands et non sur les dépenses publiques, analyse le responsable du FCE. Ce dernier affirme qu'il faudrait prendre conscience que le gonflement exponentiel du budget des équipements publics de l'Etat, qui sont passés de 453 milliards de DA en 2002 à 2.814 milliards en 2009, ne profite que marginalement à l'entreprise algérienne et par conséquent ne produit que peu de résultats en terme de croissance économique nationale. «A nos yeux, le retour que nous observons chaque jour vers des pratiques centrées sur la restriction administrative de l'acte de commerce comme de l'acte d'investir, est une fausse solution qui ne fait que limiter chaque jour un peu plus une offre nationale déjà insuffisante tout en favorisant le gaspillage de ressources rares tirées des hydrocarbures, une matière première précieuse, mais pour les générations futures, non renouvelable», a déclaré Reda Hamiani qui précise que pour ce qui est de l'organisation qu'il représente, l'orientation prise vers un retour graduel à la gestion administrée des importations est «une mauvaise réponse à un vrai problème». Les mesures censées restreindre l'importation, à l'image de l'obligation de passer par le crédit documentaire, sont aux yeux des entreprises, poursuit, Reda Hamiani, des mesures qui pénalisent nettement plus les producteurs qu'elles ne contribuent à réduire les importations. Tout comme, ajoute le président du FCE, les besoins de restreindre l'espace ouvert à l'investissement étranger, qui peut être justifié dans quelque secteurs stratégiques, a moins de raison d'être dans tous les autres secteurs d'activité pour lesquels, dit-il, notre pays accuse des retards technologiques significatifs. Le président du FCE s'interroge par ailleurs sur la justesse de la décision de limiter la part étrangère dans l'investissement lorsqu'elle est autorisée à 70% dans les activités de pur commerce. «La politique économique nationale a besoin d'être plus consensuelle», plaide Reda Hamiani pour qui la responsabilité incombe d'abord à l'Etat pour créer un «environnement favorable» s'il veut réellement l'émergence d'un marché national puissant. L'économiste Abdelamdjid Bouzidi, invité par le FCE, a affirmé que c'est les hydrocarbures qui tirent la croissance économique vers le bas. Il soulignera, lors de sa communication, que la croissance hors hydrocarbures de l'ordre de 6,6% annuellement, serait d'au moins de 9% si le pétrole n'existait pas dans notre pays. Le régime actuel de la croissance n'est pas bon car il dépend de «ressources volatiles» a-t-il noté en soulignant que l'essentiel des investissements publics en Algérie se résument à couler du béton. Comment fabriquer une croissance économique alors qu'en Algérie aucune incitation macroéconomique, micro économique ou incitation institutionnelle ne marche et ne fonctionne, s'interroge l'économiste qui avertit que «le voile des hydrocarbures risque de se déchirer».