Nous dirions qu'ils ont bien joué. La disqualification était au rendez-vous. Mais le pays a gagné une équipe. Replay sur une aventure pleine de suspense et de questions. A la dernière rencontre, le vedettariat était dans les premières lignes. Il ne fallait pas qu'ils ratent ce qu'ils croyaient une honorable sortie. Ils devraient, estimaient-ils, lever l'opprobre jeté par la Slovénie. Ghezzal et Saïfi nous ont fait perdre le match global. Ils se seraient introduits par effraction aux remplacements intervenus. Contre l'avis généralisé de millions d'Algériens, ils sont quand bien même venus terminer ce qu'ils avaient entamé durant la première joute. Perdre et repartir. Saïfi n'a de pure volonté que celle de défendre son étendard. L'autre également. Il n'est de pire posture que celle de se morfondre. L'Algérie s'est âprement battue pour s'inviter dans le concert de la world-cup. Elle aurait mis dans son combat toutes ses tripes. Ses martyrs se sont ressuscités une seconde fois, lorsqu'ils furent entraînés dans un terrain d'injures et de tirs blasphématoires. Sur le bord du Nil. A côté du Soudan. Le rendez-vous de ce fameux mercredi 18 novembre 2009 ne ressemble en rien à ce mercredi du 23 juin 2010. Là, l'histoire aurait pu hisser le sentiment national au plus haut firmament. L'histoire se faisait alors avec une puissance mondiale. Les Etats-Unis. La liesse de cette époque automnale n'est pas une fin en soi. « La chose » ne s'arrêtera pas là. Elle continue sa trajectoire au-delà de toutes les dates, sauf celle de ce 23 juin, de tous les rendez-vous. Bravant dans son élan de propension, outre la pression des météorites, le danger des comètes et la menace des complotites. Nous avons évité l'anathème mal placé des pharaons. Mais n'avons pas pu esquiver l'ire des démons déchaînés de la Slovénie, reléguée à son tour pour faire un retour dans son camp. Johannesburg est pour les grandes équipes. Pour ceux qui savent se défendre. Pourtant, nous ne sommes pas des profanateurs ni de tombes, ni de sarcophages, ni de l'histoire. Nous sommes des enfants combattants, dignes fils de grands martyrs. Notre tort aurait été celui d'avoir éventuellement un excès permanent et séculaire dans l'adoration de notre mère patrie. Saâdane a fait de son mieux. Il ne pouvait déterminer le score que par stratégie de jeu. Son jeu aurait peut-être été encore une fois traqué par des intermittences, interférences, interventions. Sinon, il y a quoi qui justifierait l'entrée de ce Ghezzal, lourdaud et pesant, et ce Saïfi baladin et coureur ? Que faisait Boudebouz sur la touche ? Comme la nature, la politique statique a horreur du vide, du rien et de l'oisiveté de son intelligence. Elle outrepassera en hauteur des faits, les craintes semées lors d'une préparation nationale féconde, dont seuls les labours certains auraient pu écorcher indignement ses sillons et ses vallées. L'Algérie a gagné dans le fait d'avoir su porter son nom dans les écriteaux qui indiquent la place des grandes nations Footballistiques s'entend. L'Algérie a réussi son coup de frapper d'un revers le système et son mythe tendant à immobiliser l'énergie collective. Comme le match Algérie/Egypte était une victoire nationale largement méritée, le combat mené face aux USA n'était qu'une justice de l'enjeu. L'on manquait depuis fort et criardement d'attaquants. Ils sont stériles ceux que le sélectionneur nous a imposés. Lui aussi, vu sa gentillesse, n'aimerait pas attaquer et ne se contenterait que d'une banale défense. L'Algérie n'est pas au bout de cette date. Elle ne le fut pas également au nez de celle du Caire ou de Blida. Elle est une éternité. Une continuité. Une dynamique dans le changement continuel. Son immortalité, elle la puise de ces forces que contient la diversité de ses fibres. Les tendances ne sont jamais pour elle des panneaux indicateurs d'orientation irréversible. Elles ne sont en fait qu'une richesse de son énorme générosité. La mémoire communautaire éveille, d'épopée à épopée, pour son compte l'esprit chevaleresque de ses artisans, tant au combat qu'aux funérailles. Tant dans les stades que dans les rues. Si l'enthousiasme dans la rue peut revêtir le manteau de l'émeute, dans les complexes sportifs, il n'est qu'une seule main, un unique cri pour ovationner un onze représentant les 35 millions, tous partis, idéologies, régions confondus. Que les épées, les sabres et les baïonnettes se disputent l'accès des fourreaux ! Que les langues satellitaires jetant leurs immondices à partir des bords du Nil et rebraquent l'orientation parabolaire vers l'Ouest. Un peu, tout près du Sinaï. La beauté a beau s'incruster dans nos mots, elle n'arrive point à se frayer de chemin vers nos propres convictions arabo-arabes. Pour ou contre n'était plus un dilemme de petits spectateurs. Non plus un défi de positionnement de galerie sportive. Car tout simplement, la diversité d'avis ne peut être une adversité à vie. Le taux tiers-mondiste n'est pas virtuel. Il retrace la tangibilité d'un désir massivement populaire de rejeter l'invective et repousser l'apprentissage des sortilèges politiques. Le stade, qu'il soit au stadium cairote ou à El-Merikh, n'est pas une amphore magique. Ni les observateurs militants ou étrangers des francs-maçons ou des adeptes de sectes fantastiques. La FIFA aurait à rougir un jour de sa forfaiture. La fraude n'aurait germé que dans des cavités encore rompues aux syndromes chroniques de la duperie égyptienne. «Ils » (eux) ont manigancé un traquenard, le peuple, avec ses « ils » et ses « eux », a gagné. Le président, heureux réélu une quatrième fois durant le cours de son troisième mandat, en est sorti davantage renforcé dans son souci constant d'être l'entraîneur en chef des états-majors nationaux. De parachever l'œuvre amorcée, de finaliser l'accession du pays aux divisions mondiales. En fait, nous aurions vu et vécu une histoire merveilleuse, quoique encensée quelque part par de l'émoi, du sensationnel et surtout de la retrouvaille des repères perdus. La tragédie subie ne doit pas s'éclipser dans la diplomatie coutumière. La relation inter-nation se doit par conséquent d'être revue dans le fond. Il ne peut y avoir de compromission ni de lourd silence. Car l'histoire continue et d'autres déplacements seront également programmés, ou dans les stades ou dans d'autres forums. Le Caire n'est pas, en toute évidence, censée incarner le nœud du monde arabe. La victoire, la grande, reste chez nous, contenue dans ce foot, option et lotion féeriques, qui a réussi là où la politique a échoué. Le rassemblement autour du noyau central, l'amour de la patrie. L'engouement après cette victoire technique, sociale ou politique reste à capitaliser au profit d'autres projets de société.