C'est un paradoxe de l'économie algérienne : l'abondance de la production génère souvent de nouveaux problèmes. C'est le cas pour les céréales, où la production 2012, estimée à 58 millions de quintaux, selon des prévisions revues à la hausse par le ministère de l'Agriculture, pose avec acuité le problème du stockage. Le ministère veut y remédier, en multipliant les initiatives. Le ministère algérien de l'Agriculture a revu à la hausse les prévisions de production de céréales pour la saison en cours. L'Algérie table désormais sur une production record de 58 millions de quintaux, contre 52 millions annoncés jusque-là. Cette réévaluation a été annoncée par le ministre de l'Agriculture, Rachid Benaïssa, qui effectuait une visite dimanche dans la wilaya de Médéa. Selon le ministre, trois facteurs ont contribué à cette hausse de la production, après une année 2011 moyenne et une autre décevante en 2010. Il a cité une pluviométrie abondante et régulière, l'amélioration des techniques agricoles et la sélection de semences. Mais derrière l'optimisme du ministre, se cachent les vrais problèmes que rencontrent les fellahs en cette saison : l'insuffisance des capacités de stockage quand la récolte est bonne, et les lenteurs dans les paiements des producteurs, contraints d'attendre de longues semaines, parfois des mois, ce qui les empêche d'entamer la saison suivante dans de bonnes conditions. Le ministre de l'Agriculture a tenté de prendre les devants, en affirmant que tous les moyens de stockage seraient mobilisés, y compris ceux disponibles chez des entreprises privées et des particuliers. DES SILOS DEJA PLEINS AU MOMENT DE LA RECOLTE ! Le déficit en capacité de stockage dépasse toutefois largement les disponibilités du pays, a déclaré un cadre du secteur. De plus, l'Algérie a importé massivement des céréales en 2011, pour pallier tout risque de pénurie, ce qui provoque une situation inattendue : au moment où la récolte arrive sur le marché, les silos sont presque pleins. Au début de l'année, l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) avait lancé deux avis d'appels d'offres pour la réalisation de 39 silos de stockage de céréales. Le premier marché portait sur l'étude et la réalisation de neuf silos en béton armé, le second sur trente silos métalliques. L'objectif de l'Algérie, selon le directeur général de l'OAIC, Noureddine Kehal, était de disposer de capacités de stockage supplémentaires de 8,2 millions de quintaux, qui s'ajouteront à celles déjà existantes, évaluées à un peu plus de 50 millions de quintaux. D'autre part, le ministère de l'agriculture a donné des instructions pour que les fellahs soient payés au plus tard quarante-huit heures après la livraison de leur récolte. Dans une déclaration à la radio, M. Rachid Benaïssa a insisté sur ce point, pour faire face aux critiques récurrentes sur les retards de paiement enregistrés dans ce domaine. «TOUT LE RESTE FONCTIONNE DANS L'INFORMEL» A l'exception des céréales, les agriculteurs algériens évitent d'ailleurs de traiter avec les structures officielles, en raison des lenteurs que celles-ci imposent. «Les fellahs algériens achètent les engrais à l'Etat et lui vendent les céréales. Tout le reste fonctionne dans l'informel», souligne le maire d'une ville rurale de la plaine du Chéliff. Malgré son abondance, la production algérienne n'atteindra pas le record établi en 2009, où elle s'était élevée à 62 millions de quintaux. Elle reste également loin de couvrir la consommation interne, dont elle assure entre 40 et 60 pour cent, selon les années, l'Algérie restant un des plus grands importateurs de céréales au monde. En 2011, les importations de céréales avaient atteint 2.75 milliards de dollars, avec une hausse de 135 pour cent. Elles avaient atteint un pic de 3.75 milliards en 2008. Les trois quarts des importations algériennes sont fournies par la France.