L'attaque terroriste sur le site gazier d'In Amenas a perturbé le Conseil des ministres des Affaires étrangères de l'UE, tenu jeudi à Bruxelles. Le débat est vif entre les soutiens à la riposte algérienne et ceux qui focalisent sur le côté tragique de l'action et les pertes humaines. L'Europe s'affole. Avec la crise malienne et l'attaque du site gazier de Tiguentourine (In Amenas) par des terroristes et la prise d'otages de différentes nationalités, la réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères tenue, dans l'urgence, jeudi à Bruxelles, a débouché sur une simple déclaration de soutien à l'action française au Mali. En clair, les Etats de l'Union répondront à toutes les demandes de la France (aide logistique, appui technique, renseignement, etc.) Cependant, l'attaque terroriste éclair contre l'Algérie a bousculé l'agenda et le tempo de la réunion ministérielle. Le Conseil a clôturé, très tôt, ses travaux (au bout de quelques heures) pour permettre à chacun des ministres de regagner son pays afin de consulter les centres de décisions et de pouvoirs (présidence, état major de l'armée, renseignement). C'est que l'attaque sur In-Aménas vient de donner une nouvelle dimension à la crise du Sahel: la crise s'internationalise, et c'est précisément le but des terroristes, en guerre dans le nord Mali. Jeudi et vendredi, les médias européens étaient partagés entre l'appréciation à sa juste valeur de l'assaut donné par les forces de l'armée algérienne contre les terroristes et l'incompréhension, face au bilan des victimes parmi les otages. Et c'est toute la question de la stratégie à adopter en pareille circonstances qui devient sujet de débat, dans les journaux et plateaux de télévisions. Fallait-il négocier avec les terroristes ? Y-avait-il une once d'espoir de voir les terroristes libérer les otages ? Fallait-il les surprendre, comme l'ont fait les terroristes eux-mêmes ? Quel est le véritable bilan de ce premier assaut ? On pourrait débattre et pondre des hypothèses autant que l'on veut, mais en réalité, seuls, les services de sécurité et l'armée algérienne pouvaient (et peuvent encore) apprécier, juger et décider vite d'une contre-attaque. La géographie et la nature du site en question n'est pas un jeu de « bac à sable » genre rallye Dakar. C'est un désert où l'orientation devient impossible au-delà d'un kilomètre du point de repère. Pardonnez l'intrusion du « je », pour avoir parcouru et travailler dans la région de Tiguentourine et In Aménas, et témoigner de l'extrême difficulté des lieux et de la géographie. Par ailleurs, l'Europe comme les USA et le reste du monde se sont engagés fermement à ne « jamais négocier avec des terroristes », de quelques obédiences qu'ils soient. Les forces de sécurité algériennes ont fait ce qui leur a semblé le mieux à faire et ont perdu des hommes, elles aussi. Malheureusement, la haine des terroristes, leur folie et détermination ne laissent pas trop de choix à la négociation et obligent à la riposte immédiate. Quel homme sensé ne regretterait-il pas la perte, ne serait-ce que d'un seul otage ? Mais, encore une fois, fallait-il baisser les bras face au chantage de ces criminels d'un autre âge ? Entrer dans leur logique (la négociation) c'est leur faire crédit d'adversaire ou d'ennemi respectable ayant des revendications politiques négociables. Il est clair que les terroristes cherchaient, suite à leurs revers au sud Mali, depuis l'entrée en guerre de la France, à internationaliser le conflit, mettre en opposition des Etats, qu'ils soient occidentaux ou africains, « foutre » la pagaille au sein de la diplomatie internationale. Et ils peuvent atteindre leur but si le camp des démocraties et de la liberté tergiversent ou, mieux encore, s'oppose sur les méthodes et l'attitude à prendre face à la nébuleuse terroriste installée dans le Sahel. Que les responsables politiques des pays dont des ressortissants ont péri dans cet épisode tragique manifestent leurs colère et incompréhension est justifié et normal. Qu'ils remettent en cause l'intransigeance à avoir face au chantage terroriste en est une autre. Enfin, et ce n'est pas une vue de l'esprit, les responsables algériens, à commencer par le chef de l'Etat et ceux des services de sécurité, auraient dû, sont dans l'obligation, de communiquer et d'expliquer ce qui se passe réellement sur le terrain. Qu'ils parlent d'abord aux Algériens, ensuite à leurs homologues étrangers et les chancelleries présentes à Alger. Le silence des autorités algériennes dévie la question de la crise sahélienne de sa nature, guerre des radicaux islamistes, pour la transférer sur la nature du pouvoir algérien, le rôle de l'armée et donc de la crédibilité de l'Etat algérien, dans son combat pour la démocratie et contre le terrorisme islamiste.