Une terre agricole non exploitée peut faire l'objet d'une vente forcée.C'est ce qu'affirme un haut responsable du ministère de l'Agriculture,qui brise le tabou de la propriété privée. Le vieux slogan de la terreà «celui qui la travaille» réadapté au goût du jour ! L'administration algérienne menace de s'en prendre aux propriétaires de terres agricoles qui ne les exploitent pas. La menace est claire et sans appel : tout propriétaire qui n'exploite pas sa terre est menacée de représailles pouvant aller jusqu'à le déposséder de cette terre, en vue de la vendre à un éventuel exploitant, selon une procédure tout à fait légale. La menace a été lancée jeudi dernier par un haut responsable du ministère de l'agriculture, M. Abdelmalek Ahmed Ali, ONTA, directeur de l'organisation foncière et de la protection du patrimoine. Au cours d'une émission de radio très suivie, M. Ahmed Ali a déclaré qu'un propriétaire est soumis à des règles. «Il ne peut pas faire n'importe quoi, il ne peut pas en disposer comme il veut», a-t-il déclaré, ajoutant qu'un propriétaire «n'a pas le droit de faire ce qu'il veut, même si c'est sa propriété». Il a insisté : l'Algérie a une superficie utile «limitée», elle n'est pas suffisante ; des efforts sont déployés pour l'élargir, et l'Algérie ne peut laisser en friche des terres agricoles. Au regard de la loi, la non-exploitation de terres agricoles constitue «abus de droit», selon M. Ahmed Ali. «L'exploitation de la terre est une obligation pour tout propriétaire ou détenteur de droits réels, quel que soit son statut juridique, a-t-il déclaré.Selon lui, l'Algérie ne dispose que de 8.5 millions d'hectares de surface agricole utile. C'est à peine 3.5% de la superficie du pays. «N'avons pas droit de laisser ces terres en friche». DE LA MISE EN DEMEURE A LA VENTE FORCEE L'Office National des terres agricoles est actuellement en train de recenser les terres non exploitées, privées ou domaniales, a indiqué M. Ahmed Ali, précisant que la procédure prévoit d'adresser une mise en demeure au propriétaire qui n'exploite pas sa terre. Dans une seconde étape, la terre peut être mise en exploitation pour compte. A défaut, il est procédé à une «mise à bail». Mais comme «ultime mesure», au cas où toutes ces procédures échouent, l'administration peut procéder à une «vente forcée». Pour les terres relevant du domaine privé de l'Etat, la procédure d'expropriation est plus facile. Selon M. Ahmed Ali, la non-exploitation de la terre constitue «un manquement au cahier de charges» que signe chaque bénéficiaire. Un délai de grâce de six mois peut lui être accordé, avant que la procédure ne soit engagée. Ce zèle de l'administration fait suite à une circulaire du premier ministre Abdelmalek Sellal, qui s'inquiétait du retard constaté dans l'exploitation de terres publiques concédées à des fellahs à un prix symbolique. En plus du délai légal pour commencer l'exploitation effective de ces terres, la circulaire du premier ministre propose d'accorder un délai de grâce de six mois aux bénéficiaires, et leur reprendre les terres s'ils n'en lancent pas l'exploitation. Pour les terres concédées dans le cadre de la mise en valeur dans les Hauts Plateaux et le Sahara, le délai est de cinq ans, avec un délai de grâce de deux ans. ENGOUEMENT Ces mesures avaient suscité un certain engouement chez des investisseurs, qui ont pris possession de milliers d'hectares sur une large bande d'est en ouest, au nord du Sahara et dans les Plateaux. Au total 811.000 hectares ont été concédés à 126.537 bénéficiaires dans 24 wilayas. Sur ce total, 26.000 bénéficiaires, qui n'ont pas commencé à exploiter les concessions, font l'objet de procédures de retrait, a déclaré M. Ahmed Ali. L'administration redoute notamment que ces bénéficiaires, forts de leurs titre de concession, ne soient tentés de revendre leurs droits de concession, suscitant une nouvelle forme de spéculation sur le foncier. Un millions d'hectares ont été identifiés pour être distribués dans le cadre de la concession en vue de leur mise en valeur. D'ores et déjà, 36.500 concessionnaires sont intéressés, dans 14 wilayas. 6.000 déjà ont commencé à travailler, exploitant 77.000 hectares. Par ailleurs, M. Ahmed Ali a reconnu que 18.000 hectares de terres agricoles ont été légalement transférés au secteur de l'urbanisme depuis 2010. Ils ont été affectés à la réalisation d'infrastructures et de logements.