Détail de taille : où et comment sera configurée la jonction de la pénétrante du port avec la frange marine à hauteur du centre-ville ? «Le diable se cache dans les détails», murmure une voix neutre lors d'une petite conversation technique, sur chantier, entre le wali et les intervenants dans le projet. Pesant la gravité du détail sujet à débat, et par là même l'enjeu de la question, le chef de wilaya a fermé la parenthèse : l'affaire ne sera tranchée qu'après mûre réflexion à la lumière de l'étude qui sera bientôt présentée (par Makyol, l'entreprise de réalisation turque, en l'occurrence). Mais il a tenu à faire savoir, «ici-même et tout de suite», qu'il était réticent à l'idée d'une jonction à hauteur de l'échangeur de Zabana et carrément contre la mise hors-circuit de la future liaison port/autoroute Est-Ouest par rapport au réseau routier intra muros adjacent (route des Falaises, voie express du port). «Ce serait dommage, un gâchis même, de voire une telle desserte autoroutière, aussi coûteuse qu'importante, isolée et déconnectée du circuit de la ville, c'est-à-dire réservée exclusivement aux poids lourds et non mise à profit pour la circulation générale», a-t-il répliqué au représentant du maître d'ouvrage, en faisant grise mine. Cela s'entend : le gouverneur de la ville n'est donc pas d'accord pour l'usage restrictif et exclusif de la pénétrante du port. A très juste titre d'ailleurs. Les Turcs, eux, pensent pouvoir convaincre les pouvoirs publics locaux et, par ricochet, l'administration centrale, de la pertinence et de la justesse du scénario qu'ils ont conçu en ce sens. «Notre étude est fin prête, simulation vidéo comprise. C'est quand vous voulez, Monsieur le Wali !» a suggéré la jeune technicienne de Makyol en arborant un sourire confiant. Quoi qu'il en soit, ça ne coûtera rien, en tout cas pour le chef de l'exécutif de jeter un coup d'œil sur le scénario virtuel proposé par les Turcs et de voir de quoi il retourne, l'étude étant confectionnée à leurs propres frais. Jonction impérative avec le centre-ville mais pas n'importe où En fait, l'idéal aux yeux du wali, mais pas seulement, serait que la future pénétrante ne s'arrête pas au seuil du poste de police, à l'entrée du port commercial, mais poursuit son petit bonhomme de chemin en se frayant un passage dans l'enceinte portuaire, pour en ressortir du côté de la Pêcherie (via l'un des deux accès du port de pêche) et se raccorder ainsi avec la route de la Corniche, selon un entrecroisement qui tient compte du nouveau plan d'aménagement du périmètre Pêcherie/Sidi El-Houari, dont la matérialisation se fera par phases. Cependant, d'après «l'antithèse» développée sur place au cours de la visite-supervision du chantier, cette solution «parfaite» se heurterait à plus d'une pierre d'achoppement à l'intérieur du port, dont notamment une station de relevage et des lignes de chemin de fer de transport de marchandise (hors d'usage depuis des lustres). «Il n'y a pas de terrain inconstructible. Tout est question de technique. Et de coût aussi», répliquait in fine le wali à un intervenant au complexe olympique de Belgaïd, premier point de la tournée. On peut aisément translater ce «principe» sur le cas d'espèce de la pénétrante du port et dire en substance que ni la station de relevage ni les rails (ni aucun autre cul-de-sac matériel ou immatériel) ne peuvent arrêter la pénétrante du port si elle veut vraiment pénétrer dans le port. S'il est un véritable obstacle, il ne se trouve que dans les mentalités figées, dans les vieux réflexes autoritaristes, qui semblent avoir la peau dure. Et il est pour le moins surprenant que l'on constate qu'un des objectifs principaux, une des raisons d'être du projet, mis en gras et double-souligné à l'APS et à l'APD, soit rétrogradé au rang de la simple option, à l'élément accessoire, chemin faisant. Quand un objectif d'opportunité devient une «option» en cours de route Aussi, convient-il de rappeler, dans ce contexte, qu'aussi bien au niveau de l'étude de ce projet présentée à l'Hémicycle, fin 2013, par le BET «Groupe SMI Canada» que par définition même de ce projet entrant dans le cadre du programme national des pénétrantes autoroutières et suivant le schéma directeur routier et autoroutier à l'horizon 2025, il est bien consigné que les quatre objectifs principaux assignés à ce projet sont «la réalisation d'une nouvelle route portuaire sur la Corniche Est d'Oran vers les 1ère et 2ème rocades, la fluidification de la circulation de poids lourds dans la zone urbaine de la ville d'Oran en pleine expansion, la création d'échanges rapides entre le port d'Oran et les limites de la wilaya en passant par les deux rocades et la bretelle autoroutière d'Oran ainsi que la création d'un lien autoroutier efficace et alternatif à la route du Ravin blanc et la voie express, qui auront atteint, en 2020, des saturations de 200%». Il est utile aussi de rappeler les précisions fournies au «Quotidien d'Oran» (Ndlr : lire l'article intitulé «Les particuliers pourront l'emprunter : des détails sur la nouvelle pénétrante du port», édition du 27 juillet 2015) par la directrice des travaux publics de wilaya, Djamila Belmegdad. «La liaison autoroutière reliant le port d'Oran à l'autoroute Est-Ouest n'est pas une desserte réservée au trafic de poids lourds. Elle fait partie du réseau routier de la wilaya et est dédiée à tous les usagers, particuliers compris, s'entend». La même responsable avait tenu à tirer au clair la vocation -nuancée par la définition du projet en soi- de cette connexion routière. En effet, l'intitulé du projet, «la pénétrante du port» en l'occurrence, ajouté au thème de «poids lourds» qui revient en boucle, dans la communication -aussi bien institutionnelle que médiatique- traitant du sujet, ont laissé croire, pour beaucoup, qu'il était question d'un itinéraire commercial réservé exclusivement au transit de marchandises entrant et sortant du port. Beaucoup d'Oranais, en tout cas, ne percevaient ce méga-projet d'infrastructure routière que sous l'angle étroit du contournement du flux des containers pour décongestionner le centre-ville. Ce qui n'est pas mal déjà. En d'autres termes, on pensait à tort que cette autoroute, côtoyant la mer, une fois achevée et mise en service, ne sera pas autorisée à la circulation des automobilistes. La DTP : la pénétrante du port appartient à tout le monde La DTP, partenaire pour la phase étude du maître d'ouvrage délégué, précisait par là même que ce lourd investissement, sous forme de liaison autoroutière de 26 km, pour un coût de 48 milliards de DA rien que pour la 1ère tranche de 8,27 km, «appartient à tout le monde sans aucune restriction d'accès». Bien entendu, l'accès à l'enceinte portuaire est réglementé et demeure du ressort des services compétents (la police et l'entreprise gestionnaire, l'EPO), et de ce fait, des postes de police seront mis en place au terminal, point d'entrée au port commercial, via la nouvelle pénétrante autoroutière, selon les explications de la même responsable. Lors de la récente visite de travail et d'inspection effectuée sur site par le wali, l'aspect financier a été évoqué entre deux points techniques via une question posée par Mouloud Cherifi au directeur régional de l'Algérienne des Autoroutes, voulant savoir en substance si l'entreprise portuaire a apporté sa pierre à l'édifice dans le montage financier par le biais d'une quote-part. Pour dire simplement les choses : si oui ou non le port y a mis quelques sous. Le représentant du maître d'ouvrage, tout comme celui de l'entreprise de réalisation, ont répondu par la négative. Y aurait-il une démarche en ce sens, une lettre de sollicitation à l'adresse de l'Entreprise portuaire d'Oran, Entreprise publique économique (EPE) au capital social de 4.000.000.000 DA, placée sous la tutelle du ministère des Transports et dont le portefeuille est géré par la GSP SERPORTS SPA ? La question se pose en tout cas. L'entreprise portuaire serait-elle appelée à mettre la main dans la poche ? S'agissant du financement, il importe de rappeler qu'une rallonge de 1,5 milliards de DA avait été accordée par l'Etat au profit du projet, à la faveur d'une réévaluation de l'AP lors du Conseil des ministres tenu 28 décembre 2016, ce qui a porté l'enveloppe globale allouée à ce projet à 40 milliards de DA. Selon une source proche du projet dont le maître d'ouvrage est l'Algérienne des Autoroutes (ex-ANA), ce chantier complexe sur le plan technique enregistre actuellement un taux d'avancement global de 65%. Un des points forts de ce projet, selon le planning des travaux, est la digue sur mer, réalisée en 2×3 voies sur plus d'un kilomètre, dont le taux d'avancement est de 48%, alors que le taux d'avancement des travaux de la tranchée couverte est estimé à 70% et celui du tunnel à 54%. Le projet de la pénétrante du port d'Oran consiste en trois sections : la réalisation d'une liaison autoroutière reliant le port d'Oran et la 1ère rocade Sud, au carrefour Canastel (sur 8 km), la mise à niveau de la 1ère rocade Sud, entre le carrefour Canastel et l'échangeur de la RN 4 (sur 10 km) et la mise à niveau de la RN 4, de l'échangeur de la 1ère rocade Sud jusqu'à la bretelle autoroutière d'Oran (sur 8 km). Comportant 2 tranchées couvertes, un viaduc, 4 murs de soutènement et 2 échangeurs, cette immense infrastructure routière est confiée au groupement turco-algérien Makyol/Engoa. Cette autoroute de 26 km sera réalisée également en complément de l'autoroute Est-Ouest pour desservir les pôles économiques, port d'Oran, les ZI de Béthioua et d'Oued Tlélat, et impulser une dynamique économique à la région. L'autoroute projetée démarre du vieux port d'Oran, longe la côte sur 1,2 km, moyennant la réalisation d'enrochement sur mer. Initialement, il était prévu de réaliser ce premier tronçon sur la falaise avant d'opter pour une translation avec une légère courbure vers la mer pour éviter le risque d'éboulement de fragments rocheux. Toutefois, cette solution doit être conjuguée avec le confortement, en parallèle, du massif rocheux pour se prémunir contre les conséquences de la corrosion de ce talus abrupt. La route se déploie ensuite à l'aide d'une tranchée couverte sur la frange maritime sur 6,2 mètres seulement, offrant ainsi la possibilité d'aménagement de cette zone. Pour traverser la zone accidentée qui suit cette partie du terrain, on prévoit de creuser un premier tunnel de 3,45 km de longueur.