Après l'explosion mardi dernier de nitrate d'ammonium dans le port de Beyrouth, qui a dévasté plusieurs quartiers et fait 158 morts, 6.000 blessés et quelque 300.000 sans abris, le ministre des Transports, Lazhar Hani, est vite arrivé aux nouvelles rassurantes, attestant qu'aucune marchandise dangereuse ou matière explosive ne se trouve dans les ports du pays. Peut-on pour autant dormir tranquille ? Certainement qu'on ne peut pas trouver de marchandise explosive stockée dans les entrepôts des ports algériens, mais des matières dangereuses, il en existe en quantités énormes qui, si elles tombaient entre des mains criminelles, pourraient causer des dégâts, voire des drames, bien comparables à l'explosion des 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium au port Beyrouth. Le ministre des Transports a reconnu, en effet, lors d'une visite d'inspection au port d'Alger, samedi, que l'explosion survenue au port de Beyrouth peut se produire dans n'importe quel autre port, chose qui recommande la stricte application des lois pour éviter pareilles catastrophes, et il a révélé dans la foulée l'existence de marchandises stockées depuis des années au niveau des entrepôts du port d'Alger, dont la poudre de lait, des médicaments et des livres. Une poudre de lait stockée depuis 10 ans n'est-elle pas une bombe à retardement pour la santé du consommateur ? Si jamais des criminels arriveraient à la détourner vers le marché local, ce qui n'est pas impossible, c'est tout simplement une catastrophe. Le ministre a reconnu là également que cette poudre de lait, dont la quantité n'a pas été divulguée, représente effectivement un grave danger pour la santé publique, et qu'il faut impérativement l'incinérer et non la jeter dans la nature. Non sans mettre en garde contre la reproduction de telles situations. Dans ce contexte, le ministre a été informé que 10% des conteneurs se trouvant au niveau du port d'Alger avaient dépassé les délais fixés, certains sont bloqués pour fausses déclarations, d'autres en raison de procédures judiciaires, et il existe même des conteneurs abandonnés pour des raisons inconnues, en dépit de leur conformité. Il faut en convenir que le danger du stockage de la marchandise et des matières dangereuses n'est pas uniquement une affaire d'explosifs. Tous les ports sont des ports de tous les dangers si on n'y prend pas garde. Comment ? Le port est un Etat dans l'Etat qui nécessite une gestion des plus rigoureuses à confier à des responsables compétents, intègres et patriotiques. Bien avant cette explosion de Beyrouth, qui a mis la puce à l'oreille des responsables sur le plan de la sécurité, le président de la République Abdelmadjid Tebboune avait ordonné, le 14 juin dernier, la fermeture « immédiate » des ports secs non autorisés, pointant dans ce cadre les risques que représentent certains d'entre eux pour la sécurité et la souveraineté nationales ainsi que pour le Trésor public. Incitant les pouvoirs publics à se pencher sur la situation de ce secteur d'activité portuaire et décidant vers la mi-juillet la suspension des transferts des marchandises vers onze (11) ports secs et ce, pour une durée de deux mois maximale. Et, il n'est pas sûr que tous les ports secs en question vont reprendre leurs activités, car la levée de la suspension est conditionnée par la régularisation de tout manquement constaté ou défaillance ou toute autre réserve au niveau du port sec concerné. Le bon fonctionnement du port est un gage de développement économique et un rempart pour la sécurité nationale.