«Non, votre honneur, je ne commercialise pas de stupéfiants… La quantité que l'on a découverte chez moi était destinée à ma consommation personnelle.» C'est là un nouveau type de plaidoyer par lequel semblent justifier la détention de produits prohibés certains individus pensant réduire la portée du délit dont ils sont les auteurs. Et cette réponse passe-partout semble être adoptée par tous ces accrocs dont les réserves «privées» vont du petit morceau de kif glissé au fond de la poche aux plaquettes «rejetées» par la mer… C'est là le moins que l'on puisse dire en ces temps où des quantités de 10 quintaux et plus de kif rifain ou de l'autre massif central du Maroc frontalier, passé 1er producteur mondial, sont stockés dans des appartements de cités résidentielles, un signe de banalisation d'un des pires crimes collectifs qui interpelle et exige des réactions appropriées, au risque de voir cette nouvelle «guerre de l'opium» classée fait divers… F.A., dont la perquisition du domicile à Aïn El Turck a permis la découverte de deux plaquettes de kif de 200 grammes, déclare aux gendarmes chargés de l'enquête qu'il a trouvé ces plaquettes sur une plage à Bouzedjar… Mieux encore, celui-ci affirmera qu'il a trouvé, en réalité, sur cette plage, cinq plaquettes et qu'il n'en a conservé, pour ses besoins, que deux, les trois autres, mouillées et inutilisables, ayant été abandonnées… Dans ce cas, les enquêteurs de la Gendarmerie avaient agi sur dénonciation dénonçant ce mis en cause comme dealer s'adonnant à la commercialisation de stupéfiants. En son domicile perquisitionné, ces éléments sécuritaires avaient mis la main sur une planche utilisée pour la découpe de ce kif. F.A. sera condamné à huit ans de prison ferme par le tribunal lors d'une première audience, et le procureur de la cour d'appel demandera le maintien de cette peine lors de la seconde audience. Face à cette peine retenue contre son mandant, l'avocat de la défense s'insurgera déclarant que c'est là une peine très lourde pour son client qui n'est que simple consommateur. Tout en mettant le point sur les peines prononcées contre de grands trafiquants de drogue, jugées dérisoires. Face à cette tournure du plaidoyer, le président de l'audience rappellera qu'en ce moment «on est en train de juger ce mis en cause bien précis et non un autre». Ce cas n'est pas unique, deux autres mis en cause ont adopté cette même thèse. Arrêtés tous deux en leurs domiciles respectifs à El-Hamri pour le même grief de commercialisation de stupéfiants, ces deux mis en cause se défendront de n'avoir à aucun moment vendu de drogue. «Votre honneur, dira B.M. chez qui trois morceaux de kif ont été saisis dissimulés sous son lit, je suis vraiment accro à cette drogue, et j'ai tout essayé pour décrocher, mais peine perdue…». Le président de l'audience, qui l'arrêtera, répliquera : «Lorsqu'on veut, on peut !», avant d'ajouter : «Vous dites être père de famille… N'avez-vous pas peur que vos enfants, par inattention, ingurgitent ce poison ?» Pour se disculper, l'accusé déclarera «fumer ces joints devant la porte, loin des enfants». A la question de savoir qui l'approvisionnait, le mis en cause dira qu' «au niveau de son quartier, El-Hamri, presque tous les jeunes en vendent et en fument…» «Mais, puisque vous les connaissez, pourquoi ne pas les avoir dénoncés ?», lui rappellera le magistrat de l'audience. «Je ne peux pas…, dira l'accusé, j'ai des enfants, et j'ai peur…» «De qui ?», interrogera encore le président. « D'eux… Je ne peux pas… C'est tout…» Le troisième mis en cause, interpellé en possession d'une quantité de 32,5 g de kif, affirmera que c'est là une dose personnelle destinée à sa consommation propre… Il sera condamné à la peine de 7 ans de prison ferme lors d'une première audience. Le procureur de la cour d'appel demandera le maintien de cette peine. Il y a lieu de rappeler qu'en cette phase du développement du trafic de stupéfiants où la dernière prise était estimée à 11 quintaux, des quantités qui peuvent être autrement plus importantes circulent à travers des réseaux qui n'aboutissent pas qu'au Moyen-Orient ou en Europe…