Dans les limbes, au-dessus de la mêlée, campent les intellectuels. Personne ne les entend et si cela arrive que leurs voix arrivent en bas, personne ne les écoute. Il faut dire, à leur décharge, que de plusieurs sortes, ils ne trouvent ni la langue, ni les rêves qu'il faut pour intéresser le peuple. Alors, ils soliloquent, s'enferment dans des bulles où ils se renvoient leurs espoirs ou recherchent une reconnaissance ailleurs, de préférence universelle. Le pouvoir ne semble pas préoccupé de cette situation dont il a créé les conditions. N'aimant pas les aspérités, il a exclu tout ce qui pense en dehors de son discours. Ce discours que reproduit l'école, le lycée, l'université et l'ENTV, et que devait reproduire l'intelligence que ces paliers auraient enfantée. Il n'en fut rien. Les paliers n'ont pas produit grand-chose et la rare intelligence qui existe n'est pas dans le discours. Le pouvoir l'a donc poussée à l'exil ou à la réclusion. Cela a duré un temps. Et puis, une partie des intellectuels a fini par s'offrir à ceux qui lui offraient plus que ce qu'elle aurait pu rêver. L'argent, l'émancipation personnelle, la notoriété et des espaces d'expression. Ce n'était pas du tout gratuit, mais certains n'ont pas hésité. Aujourd'hui, ils ont un nom, même si rien de ce qu'ils écrivent ne vaut la place qu'ils occupent. D'ailleurs, ce n'est pas leurs œuvres qui intéressent mais un certain type d'engagement. Comme celui que Taoufik Ben Brik a refusé. Celui-ci explique que le président de la Sociétà Libérà, chargé de lui remettre un prix de 200.000 euros (c'est un classique dans le recrutement), voulait qu'il croit à « la libre entreprise... le libre échange... le libéralisme... ». Ben Brik a tout de suite compris que « Sous son déguisement de liberté, Sociétà Libéra propage l'idéologie libérale ». Il a, aussi, tout de suite découvert que les autres lauréats ne sont pas de sa « tribu ». Et il n'a pas été tendre : « La liberté à laquelle vous croyez ne me sied guère. Ma liberté est une liberté engagée. Je suis du côté des jetables contre les notables. Je suis de l'autre côté de la palissade, d'où je canarde votre liberté liée à la cupidité, la corruption, l'exploitation, la ségrégation et la haine de l'autre. Nous sommes ennemis ». C'était juste question de « Conscience » et d' « Ethique ». Ce n'est pas arrivé souvent, tant les candidats sont soigneusement sélectionnés. Ceux-ci qui sont chargés de donner de la trompette et qui « opposants » attitrés embouchent celle de la « communauté internationale ». Il arrive, quand même, que leurs appels soient ignorés et qu'ils se mettent à dénoncer l'Occident qui « proclame des valeurs universelles tout en privilégiant des intérêts étroits en soutenant des régimes illégitimes ». Pendant ce temps, le pouvoir continue de n'écouter que sa cour et son arrière-cour, même pas cette rue qui n'écoute personne parce qu'elle cherche à être écoutée. Ahmed Halfaoui Ajouter à l'Anti-bannière