Nous savons ce qu'il en fut. En guise de révolution il y eut plutôt un effondrement de son idée, elle-même. Ce type de catastrophisme n'avait servi, en fait, qu'à conforter ses auteurs de la justesse de leurs vues en les faisant parier sur un « possible » qui paraissait inéluctable. Il répondait aussi à un désir sincère et profond de voir l'humanité s'émanciper d'un système barbare vers une ère de liberté et de justice. Ils avaient juste négligé ce refus affirmé de Karl Marx de ne pas « faire bouillir les marmites de l'avenir ». Car l'approche marxiste est beaucoup plus complexe dans sa définition des conditions révolutionnaires. Elle procède d'éléments objectifs et subjectifs autrement plus élaborés que la schématisation des contradictions et bannit les états d'âme. Mais, bien après ce catastrophisme qui est tombé en désuétude, l'Algérie en voit fleurir un autre. Il nourrit l'essentiel du discours d'une « opposition » hétéroclite, des islamistes aux « démocrates », d'ex-apparatchik du pouvoir, de « politologues » agréés par les médias d'ici et de là-bas et d'intellectuels de toutes sortes. L'angle de vision, toujours le même, serait que sous le pays couve un volcan. Seulement point de révolution sociale annoncée. Les producteurs de ce type de catastrophisme ne sont pas, eux-mêmes, loin s'en faut pour une remise en cause du capitalisme, plutôt pour son approfondissement. Alors, ils promettent le chaos, s'il n'y a pas un « changement pacifique », dont chaque thèse avancée ne donne pas le contenu. Il est fait, encore moins, du peuple en voie de soulèvement, un acteur. Les paramètres utilisés par tous sont les mêmes, c'est-à-dire ceux qui pourraient pousser la population à une explosion incontrôlée. Plus finement, il est reproché aux détenteurs des rênes du pays, soit leur incompétence, soit le blocage des facteurs de développement, soit l'absence de stratégie dans la gouvernance et, par-dessus tout, l'autoritarisme et le déni fait à la démocratie. Timidement, pour activer l'émotionnel populaire, sont invoquées les injustices économiques (le fameux slogan : « pays riche, peuple pauvre »). Depuis trois ans, l'attente d'un tsunami populaire est exacerbée. Et tant pis si à chaque échéance il ne se produit rien que ce qui est prévu. Il y a eu le « printemps » qui devait déferler, en vain. Il y a eu les législatives qui devaient bouleverser le paysage politique en portant les Frères, vent en poupe, à la tête du parlement pour commencer. Il y a eu les élections présidentielles qui devaient être la dernière chance avant le cataclysme final. Nous en sommes là. Dans deux ou trois ans il va avoir lieu. Seule solution proposée, engager une « transition » qui n'est pas définie dans sa configuration. Il n'est pas dit, de même, les réponses immédiates à donner au « volcan » supposé et leur impact sur lui.