Ce qui fait office d'opposition, en Algérie, n'est que le produit d'un pays dont l'épaisseur politique égale l'épaisseur de son développement économique et social. A observer les errements et les turpitudes des formations, qui meublent le pluralisme partisan, on ne peut que conclure à leur indigence. La raison en est qu'elles ont une existence par défaut, faute d'exprimer concrètement des tendances ancrées dans une société bien en peine de produire les compréhensions des situations qu'elle traverse. C'est pourquoi, lors de la promulgation de la liberté d'association, il ne fallait pas s'étonner que les drapeaux qui ont été déployés soient ceux du nationalisme, de l'Islam et de l'identité amazigh, adjoints à des revendications démocratiques floutées. Aujourd'hui, il ne reste plus rien de ces fonds de commerce qui ont pu, un temps, faire engranger des dividendes, en termes de scores électoraux. Très rapidement les charges électives, locales ou parlementaires, ont offert à la population le spectacle de maires et de députés qui ne différaient en rien, dans leur majorité, de ceux de l'ex parti unique, tant sur le plan de l'émancipation personnelle que sur ceux du clientélisme et de l'incompétence. Alors, en lieu et place de contribuer à l'élargissement de la conscience politique ce sera l'effet repoussoir qui a prévalu. Et ce fut le refus des urnes qui a gagné les électeurs. Au point que le taux d'abstention soit devenu un enjeu. Soit dit, en passant, approprié à l'occasion des positions de boycott et retourné contre le pouvoir, quand sa véritable signification réside, d'abord et avant tout, dans la faillite de la classe politique à mobiliser les citoyens, autour d'idéaux, de programmes économiques et de projets de société clairs et compréhensibles. Dans sa faillite aussi à faire bonne figure, en phase au moins avec les promesses de probité et d'intégrité des élus. Ainsi que dans la profonde déception de la population de voir, à chaque rendez-vous électoral, des gesticulations qui la confortent de plus en plus dans son dégoût de la politique. Et le processus de dégénérescence se poursuit. Ni la religion, ni l'amazighité ne mobilisant plus, c'est une radicalité inédite qui est choisie, aux relents « révolutionnaires », aux relents seulement, qui devraient convaincre, dans la stratégie de ses tenants, qu'il y aurait une impasse à dépasser par un « changement de régime ». D'où les alliances, en apparence contre nature, entre « démocrates » et « islamistes ». Des alliances qui ont, plutôt, fini par convaincre de l'inconsistance des partis qui les ont concoctées. Le bloc social dominant, lui, fort de la garantie de stabilité qu'il représente, renforce ses bases et ne semble pas près de craindre un jour une quelconque secousse. Dès lors, la « crise politique » dont font état les médias et les « analystes », auxquels ils ouvrent leurs colonnes, ne touchent que les exclus du jeu et n'affecte pas du tout l'écrasante majorité des Algériens, électeurs et abstentionnistes confondus. Reste qu'il faudra bien qu'émergent un jour des représentativités réelles et que la contradiction se manifeste autrement que par la violence de l'émeute.