Déjà bruyant en temps ordinaire, le quartier de Barbès, dans le 19e arrondissement de Paris, a gagné mercredi en brouhaha en cette période électorale où la communauté algérienne, fortement présente en ce lieu mythique de la France, est appelée depuis mardi à choisir ses représentants à la future Assemblée populaire nationale. L'emblème national flottant à l'entrée de magasins, des listes électorales collées çà et là, des portraits grandeur nature de candidats en lice pour l'élection accrochées devant leurs permanences politiques : le décor laisse pantois, mais pas indifférent. Devant la "boucherie musulmane", rue de la Charbonnière, on discutaille. Trois quadragénaires, des militants d'un parti nouvellement créé, abordent les élections électorales. M. Mohamed, dit croire au "changement" qu'apporteraient les élections. "Ce ne sont pas les partis qui ont ruiné le pays, qui peuvent se targuer aujourd'hui de vouloir le redresser. Honte pour eux", a-t-il lâché, le ton élevé, à l'APS. Plus posé, son collègue Hamid, tout en affirmant militer pour le changement, croit en la "cohabitation partisane". "C'est en entrant dans la bataille électorale, même avec les vieux dinosaures, qu'on pourrait imposer une alternative. Le repli sur soi en prônant l'abstention est une forme de dérobade", a-t-il opiné. A quelques mètres de la boucherie, transformée pour la circonstance en permanence d'un parti en course pour la députation, M. Ouali, un sexagénaire, tient un salon de coiffure. Loin d'être un espace apolitique, ce lieu offre une tribune idoine pour s'exprimer et les commentaires vont bon train. "Michou", qui a accompli le premier jour du vote son devoir de citoyen, l'encre indélébile sur son index gauche faisant foi, est acculé dans sa propre échoppe, sise rue de Chartre. A de jeunes clients désabusés par les vicissitudes de la vie, il avait du mal à expliquer le sens d'un vote et du poids que représenterait une voix donnée à une personne appelée à représenter une communauté à l'Assemblée. "Ce n'est pas le pays que nous n'aimons pas, mais les personnes qui l'ont gauchement gouverné", lui lance Samir, un cadre informaticien ayant quitté le Bled il y a une dizaine d'années. "Il est vrai que j'ai été formé par mon pays. Mais au moment de le servir, il m'a tourné le dos. Comment voulez-vous que des jeunes, comme moi et n'ayant trouvé que l'exil comme alternative, s'intéresse à ce qu'y se passe", a-t-il ajouté, l'air dépité. Le jeune algérien dit se rappeler de ce bureaucrate qui lui refusait, il y a onze ans, la délivrance d'un document d'Eta civil en Français. "Les documents étaient sous mes yeux, mais cet agent m'en refusait la délivrance arguant qu'il n'en restait plus et les formulaires que je voyais lui étaient personnellement destinés", a-t-il fulminé de colère, disant ainsi retenir un très mauvais souvenir d'un pays qu'il dit pourtant chérir. Nacer, une jeune d'une vingtaine d'années rencontré à la sortie du marché hebdomadaire, pas loin de la bouche de métro Barbès-Rochechouart, a, lui, souhaité le changement avec l'avènement de la gauche en France et l'issue que prendraient les élections législatives en Algérie. "Sans papiers depuis trois années, je suis un sous-citoyen. Il y a des centaines dans mon cas à Barbès. Certains jeunes comme moi voudraient bien voter, mais sans documents officiels et une immatriculation au Consulat, ce n'est pas évident", a-t-il regretté. C'est qu'à Barbès, quartier commerçant par excellence, les Harragas pullulent. Vendeurs à la sauvette, pour la plupart, ils vivent au jour le jour avec un esprit "démissionnaire" vis-à-vis de leur pays d'origine. Selon M. Sohbi, un immigré de la première génération, le gros des votants en France sont issus de sa génération. "Ceux de la 3e ou 4e génération sont moins enclins à accomplir leur devoir de citoyen, soit par dépit, soit par désintérêt de la vie politique", a-t-il confié. Mardi, au premier jour du vote de la communauté nationale à Bobigny (Seine-Saint-Denis), le siège du consulat de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a été pris d'assaut par des centaines de ressortissants algériens venus choisir, parmi les 23 candidats en lice dans le cadre des élections législatives en France-Nord (Zone 1), ceux qui vont les représenter à la future Assemblée populaire nationale (APN). La moyenne d'âge de la plupart des votants variait entre 60 et 80 ans, avait-on constaté. Pas moins de 23 partis politiques sont en lice pour la zone 1 (France nord) qui comprend 489.545 électeurs. Le gros de cet électorat est à relever dans la circonscription consulaire de Bobigny avec 90.078 électeurs.