Le film documentaire '' Ici on noie les Algériens'' de Yasmina Adi, vient de remporter le Prix du Public pour le Meilleur film à la 20ème édition du Festival international du film de la diaspora africaine (FIFDA) à New York, a indiqué jeudi soir dans la capitale française, la réalisatrice algérienne à l'APS. Ce film, réalisé en 2011 et distingué dans plusieurs festivals, évoque la répression de la manifestation parisienne du 17 octobre 1961 où des centaines d'Algériens furent victimes des violences policières. Cinquante ans après, Yasmina Adi met en lumière avec beaucoup de lucidité ces vérités qu'on continue à occulter sur la répression ordonnée par le préfet de Paris Maurice Papon. A l'appel du Front de libération nationale (FLN), des milliers d'Algériens venus de Paris et sa banlieue sont sortis cette journée manifester pour leur dignité, contre le couvre-feu raciste qui leur a été imposé et réclamer l'indépendance de l'Algérie. Cette manifestation pacifique fut sauvagement réprimée. Le bilan de cette sanglante chasse à l'homme déclenchée en cette date et les jours qui suivirent est lourd. On dénombre entre 300 à 400 morts par balle, par coup de crosse ou par noyade dans la Seine, 2.400 blessés et 400 disparus. Entre 12.000 et 15.000 Algériens ont été interpellés, dont 3.000 envoyés en prison, alors que 1.500 ont été refoulés vers l'Algérie où ils ont été regroupés dans des camps de concentration. Menant pendant deux ans un travail de fourmis, s'appuyant sur des témoignages poignants sur cette répression d'une rare violence, la réalisatrice plonge le spectateur pendant 90 mn dans l'atmosphère terrifiante de l'époque. Pour retrouver les témoins de ces répressions, Yasmina Adi a collaboré avec les associations, les mairies, et passé des appels à témoins et par le bouche-à-oreille. "Cette recherche n'a pas été facile et a parfois eu des conséquences surprenantes, comme ces messages anonymes de policiers mi- inquiets, mi menaçants qui voulaient savoir ce qui allait être dit dans mon documentaire", a-t-elle révélé. Le voile légèrement levé sur quelques archives, lui a permis également de s'appuyer sur des articles de presse, des photographies et documents radiophoniques inédits qui dévoilent ainsi que les photographes de la police ont reçu l'ordre de ne pas prendre de photos accablantes de policiers en train de tabasser les manifestants et qui "pourraient nuire plus tard aux services de la police". ''Je suis satisfaite que ce film documentaire ait pu avoir une belle carrière internationale. Cet épisode tragique de la guerre d'Algérie semble vraiment impressionner le public et lui révèle un sujet méconnu du fait qu'il fut longtemps occulté par les autorités françaises'', a-t-elle confié, rappelant cependant que le président François Hollande a déclaré à la faveur de la commémoration de ces massacres, le 17 octobre dernier, que la République reconnaît avec lucidité" la répression "sanglante" de la manifestation d'Algériens à Paris le 17 octobre 1961. ''Cette distinction m'interpelle, car ce festival où sont représentés les réalisateurs de la diaspora africaine, est une marque de reconnaissance de la tragédie qui s'est déroulée en plein cœur de Paris, et il est important à mes yeux que l'histoire de mon pays, circule, soit connue, laisse des traces, ne soit pas oubliée à travers le temps et soit révélée sur tous les continents''. Né en novembre 1993 à Manhattan (Etats-Unis) le FIFDA, a pour but de présenter au public des films issus de la diaspora africaine, de renforcer le rôle des réalisateurs d'origine africaine dans le cinéma mondial contemporain et d'élargir l'intérêt pour les cinémas du continent noir qui apportent un regard nouveau sur des évènements.