Le nouveau gouvernement libanais, formé la veille par le Premier ministre Hassane Diab, après des semaines de tractations politiques sur fond de révolte populaire inédite déclenchée le 17 octobre dernier, tient mercredi son premier conseil des ministres. Baptisée "gouvernement de sauvetage du Liban", l'équipe de Hassane Diab a finalement vu le jour hier, au bout de 32 jours de tractations politiques ardues. Près de trois mois après la démission de Saad Hariri et plus d'un mois après la nomination du nouveau Premier ministre Hassan Diab, un gouvernement composé de 20 ministres a été dévoilé au Palais présidentiel de Baabda. Une équipe monochrome de 20 ministres, dont six femmes. Elle est composée de technocrates, dont nombreux sont reconnus pour leur parcours professionnel ou académique. Le Premier ministre Hassan Diab, un universitaire de 61 ans, avait promis de répondre aux revendications de la rue en nommant un gouvernement de "technocrates indépendants". "Un calme prudent" dans la rue. Le calme est revenu mercredi à Beyrouth et dans d'autres grandes villes. Mais des contestataires continuent tout de même de bloquer des routes à Tripoli, grande métropole du nord, où des écoles sont restées fermées après une nuit de tensions, selon des médias locaux. Dès la formation du gouvernement mardi soir, des contestataires à travers le pays ont incendié des pneus et bloqué des autoroutes pour exprimer leur mécontentement. Pour les manifestants mais aussi des experts, les ministres, bien qu'estampillés "technocrates", restent des personnalités affiliées à la classe politique tant conspuée. Dans la capitale, quelques centaines de manifestants se sont rassemblés à l'entrée d'une avenue menant au Parlement, bloquée par un barrage de police. Ils ont tenté d'arracher les barbelés et lancé des pierres sur les forces, qui ont répliqué avec des gaz lacrymogènes et activé un canon à eau, selon les médias. "Nous voulons un nouveau Liban, un Liban sans corrompus", s'indignait déjà à Beyrouth le manifestant Charbel Kahi, avant l'annonce du nouveau gouvernement. "Qu'ils ne viennent pas se moquer du peuple libanais, en formant un gouvernement. Ca fait deux mois qu'on attend, ils étaient en train de se partager les parts", a-t-il lancé. La tension est montée d'un cran ces derniers jours, avec des affrontements durant le week-end entre contestataires et forces de l'ordre, qui ont fait plus de 500 blessés à Beyrouth. Défis multiples pour le nouveau gouvernement Pour la nouvelle équipe, les défis sont multiples, en particulier sur le plan économique, dans un pays qui croule sous une dette avoisinant les 90 milliards de dollars (81 milliards d'euros), soit plus de 150% de son Produit Intérieur Brut. Il faudra des réformes structurelles, attendues notamment pour débloquer des milliards de dollars d'aide promis par la communauté internationale. Les contestataires fustigent des autorités incapables de fournir des services publics de base, alors que, 30 ans après la fin de la guerre civile (1975-90), les Libanais vivent au quotidien avec des coupures d'électricité, un réseau médiocre d'eau courante et une gestion calamiteuse des déchets. La Banque mondiale a averti en novembre que la moitié de la population du Liban pourrait bientôt vivre sous le seuil de pauvreté, contre le tiers actuellement. Le gouvernement devra également se pencher sur la dépréciation de la livre libanaise, qui a perdu plus d'un tiers de sa valeur face au dollar dans les bureaux de change. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a salué mardi par la voix de son porte-parole la formation d'un nouveau gouvernement au Liban. "Le secrétaire général a hâte de travailler avec le nouveau Premier ministre libanais Hassan Diab et son gouvernement", a déclaré le porte-parole de M. Guterres, Stéphane Dujarric, dans un communiqué. MGuterres a réitéré l'engagement de l'ONU à "soutenir le renforcement de la souveraineté, de la stabilité et de l'indépendance politique du Liban, ainsi que la mise en œuvre effective des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, qui demeurent essentielles pour la stabilité du pays et de la région". Le Liban est plongé dans le chaos politique depuis octobre 2019, à la suite d'un mouvement de contestation déclenché par les taxes prévues sur l'essence, le tabac et les appels téléphoniques en ligne.