La consommation de drogue est un fléau qui touche, malheureusement, toutes les couches de la société. Mais aujourd'hui, il est malheureux de constater que la cocaïne qui était un phénomène rare n'est plus une exception. Elle existe en Algérie et sa consommation est devenue sociale et prend même des proportions alarmantes. Qui consomme la cocaïne ? On disait que c'était l'apanage des riches, de la «jet-set algérienne». Seulement, selon beaucoup de spécialistes, la consommation de cocaïne s'est «démocratisée» ces dernières années pour se répandre même au sein des couches populaires. Le professeur Mustapha Khiati de la Forem estime qu'il n'y a certes pas d'étude dans ce sens, mais il affirme avec certitude l'appétit croissant des Algériens pour la poudre blanche. Selon lui, et c'est ce que pensent nombres d'observateurs, l'Algérie est en train de passer du statut de pays de transit de la drogue à celui de consommateur. «Ces trois dernières années, nous avons constaté le développement de manière fulgurante de la consommation de la cocaïne, c'est un phénomène nouveau qui touche toutes les catégories d'âge et toutes les couches sociales : le riche, l'Algérien moyen et le pauvre. Ce dernier s'adonne au vol pour pouvoir s'acheter ses doses. Le plus dramatique est que le consommateur de cocaïne peut tuer pour assouvir son manque», note le Pr Khiati. Le prix d'un gramme de cocaïne, soit une seule dose, oscille ente 12 000 et 15 000 DA. Etant un produit cher, les réseaux de distribution de cocaïne implantés un peu partout s'arrangent pour fournir la drogue aux demandeurs. Ils s'organisent en micro-réseaux dans des quartiers, des cités, aux alentours des établissements scolaires... A ce titre, le Pr Khiati se pose la question suivante : «Comment des malades hospitalisés au centre de désintoxication de Blida sont alimentés en cocaïne et par qui ?» d'après lui, ces malades se procurent de la cocaïne chez des passeurs qui font partie d'un réseau dense et efficace. «Il y a des personnes qui interfèrent et qui ont un rôle de facilitateurs. Pendant longtemps, nous avons pensé que la consommation de cocaïne se limitait aux migrants qui faisaient rentrer de petites quantités et qu'ils consommaient durant leur séjour», note le Pr Khiati. «Auparavant, dit-il, il n'y avait pas beaucoup de consommateurs locaux ni de distribution locale. La cocaïne était consommée par des personnes riches dans des endroits fermés, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui où elle est vendue dans des endroits connus par les accros à ce produit.» Les spécialistes et médecins estiment que la cocaïne est un marché potentiel et passer du «kif» à la cocaïne n'est qu'une suite logique dès lors que le cheminement dans la consommation de drogue se fait par paliers : le consommateur passe du plus simple au produit le plus euphorisant. «Après le kif, les psychotropes, les produits chimiques, l'ecstasy, le consommateur finit par aller vers la cocaïne», tranche le Pr Khiati. Toutefois, la différence entre celui qui consomme du kif et celui qui s'adonne à la cocaïne est de taille : le premier est violent, mais une violence maîtrisable, car il garde un minimum de conscience, alors que le deuxième n'a aucune limite. «Nous avons vu des personnes qui ont perdu leur emploi à cause de leur addiction à la drogue, devenir des chômeurs et contraints de voler et même de tuer pour se procurer de la cocaïne. La poudre blanche est très dangereuse, car elle détruit rapidement les cellules cérébrales et il est difficile de prendre en charge la personne qui devient accro», déplore le Pr Khiati, illustrant ses propos par le cas du grand joueur Maradona qui a suivi des cures de désintoxication dans de grands centres, mais ne s'en est jamais sorti. «En Algérie, il n'existe que deux centres de désintoxication, l'un à Oran et l'autre à Blida alors que l'Est du pays et les Haut-Plateaux sont dépourvus de ces structures. Par ailleurs, et selon les chiffres de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la justice a eu à traiter 64 affaires liées au trafic de cocaïne et 36 autres pour détention et usage de ce produit prohibé en 2017.»