Cinquante années après la révolution de Fidel Castro, d'Ernesto Che Guevara et de leurs « barbudos », Cuba est restée comme figée par le temps. Bien que l'idéal socialiste ait perdu aujourd'hui de sa splendeur, la petite île des Caraïbes demeure l'un des derniers bastions du rêve marxiste. Les années ont passé, les difficultés se sont empilées, mais la politique économique est demeurée – à quelques exceptions près – intacte. Subissant le blocus américain, Cuba a fait face à de nombreux obstacles après l'effondrement du bloc soviétique, son principal partenaire économique. Maintenant que la gauche a refait surface sur le continent américain, Cuba peut enfin espérer sortir de son isolement. Selon de nombreux analystes, le soutien du président vénézuélien Hugo Chavez a permis au navire Cuba de maintenir le cap. Grâce à Chavez, l'île a pu tourner le dos au libéralisme en mettant le dollar hors circulation et en évacuant les entreprises étrangères qui commençaient à s'y installer. Le Venezuela fournit à l'île communiste le pétrole à des prix défiant toute concurrence, un appui médical, filière dans laquelle Cuba est réputée pour être l'une des meilleures au monde. L'alliance avec le Venezuela a ainsi favorisé l'essor d'une industrie de services à grande échelle dans le domaine médical avec le programme « Milagro » (miracle) de soins ophtalmologiques. Cuba est ainsi devenue une petite puissance médicale, le secteur pharmaceutique a vendu pour 300 millions de dollars, devenant le second secteur d'exportation après le nickel, dont le pays est classé au cinquième rang des producteurs mondiaux. L'histoire semble ainsi se répéter : l'île dépend aujourd'hui du pétrole de Caracas, comme elle reposait autrefois sur l'Union soviétique. L'île au charme romantique se remet lentement de ses blessures et enregistre des taux de croissance à deux chiffres (11.8%, chiffre néanmoins contesté par la Commission économique de l'ONU). « La croissance de Cuba n'est pas du tout inventée. Ce n'est pas quelque chose que quelqu'un a décrété. Aujourd'hui, on ne pourrait pas expliquer le comportement économique du pays, comme on ne peut expliquer les bénéfices de la balance des paiements, si l'on ne tient pas compte des services », a expliqué Alfredo Jam Masso, directeur de macroéconomie du ministère de l'Economie et de la Planification. Pendant les années de vaches maigres et jusqu'à aujourd'hui, Cuba n'a pas hésité à dévoiler ses charmes pour survire. Le tourisme, ce « mal nécessaire » comme aimait à le qualifier Fidel Castro, permet à Cuba d'engranger annuellement près de deux milliards de dollars. Le tourisme et le transfert de devises des émigrés cubains (notamment à Miami) permet à Cuba de profiter du dollar américain, mais génère un autre problème. La plus grande distorsion de l'économie réside dans les deux monnaies qui circulent à Cuba : le peso cubain, coté à 25 unités par dollar et utilisé pour payer tous les salaires et avec lequel les Cubains peuvent acheter les produits de base, et le peso convertible, avec lequel ils achètent tout le reste et qui s'échange à 1,20 dollar par unité. Un système qui a créé une brèche de la société cubaine, divisant ceux qui ont accès au peso convertible et les autres. Pour de nombreux Cubains, qui ne touchent généralement que 12 dollars par mois, l'unique moyen de joindre les deux bouts est de recevoir les dollars d'un parent émigré (1 200 dollars par an est la somme maximale que le gouvernement des Etats-Unis permet au demi-million de Cubains résidant dans ce pays d'envoyer) ou de profiter des pourboires des touristes. Aujourd'hui, l'économie cubaine est plus fragile que jamais. Les Cubains craignent que l'effondrement des prix du pétrole et l'augmentation de la pression sur l'économie du Venezuela ne remette en cause la stabilité de l'arrangement entre Chavez et Castro. L'économie souffre également de l'augmentation des importations de carburant et de nourriture et de la baisse des revenus du nickel, principal produit d'exportation de Cuba. Les prix du nickel ayant chuté à un cinquième de ce qu'ils étaient en 2007. Mais le plus grand problème auquel pourrait se confronter le gouvernement cubain serait de faire face au mécontentement grandissant des 70% de la population, qui sont nés après 1959 et qui n'ont pas de conscience politique forte vis-à-vis de la révolution cubaine. Cuba en chiffres Population : 11,3 millions Croissance du PIB : 11,8% Dette extérieure : 13 milliards de dollars (sans compter les 26 mds de dettes à l'égard des anciens pays socialistes) Exportation : 1,8 milliard (800 millions provenant du nickel, 500 millions du sucre, 300 millions des produits pharmaceutiques et 200 millions du tabac) Importations : 6 milliards de dollars Tourisme : 2,5 millions de visiteurs rapportant 2 milliards de dollars Envois des expatriés à leurs proches : 900 millions de dollars Salaire mensuel moyen : 12 dollars Taux de non-emploi : 1,9%