Nous n'avons fait que répondre à son appel. La seule alternative qui nous est laissée pour la défendre est de mobiliser l'opinion nationale et internationale. Disons clairement notre volonté de la protéger, et nous serons écoutés, compris, suivis. L'existence d'un idéal de justice et de liberté à défendre, ce sont là les deux conditions de survie de la société. La liberté et la justice sont trop précieuses, trop fragiles, trop menacées, pour ne pas chercher à les protéger et à les défendre. La liberté ne mourra pas en Algérie, car tant de femmes et d'hommes se sont mobilisés pour la sauver. Il est vrai que la voie de la liberté est minée par les pièges du Pouvoir, est encombrée par les obstacles placés par les amis. Il faut s'inscrire en faux et avec détermination contre les critiques hâtives et inexactes de ceux qui condamnent l'action menée à l'intérieur et à l'extérieur du pays en faveur des journalistes qui expient dans les prisons leur croyance en la liberté et en la justice. Le combat est comme le football : si vous ne descendez pas sur le terrain, vous êtes sûr de perdre ; si vous y allez, vous n'êtes pas sûr de gagner, mais vous avez l'honneur de vous être battu. Il vaut mieux perdre en se battant que perdre sans se battre. Dans l'affaire Benchicou, la LADDH a affiné trois valeurs : respect de la personne humaine, défense de la liberté et des droits humains, indépendance de la justice. Assurer à la personne humaine sa dignité et la protéger de la répression et de toutes les injustices sont le sens de notre combat. Personne ne doit dénaturer la signification de ce combat. Nous ne saurions accepter que soit injustement contestée et dépréciée, dans l'analyse de la présente conjoncture, l'œuvre accomplie au service de la dignité de la personne humaine. Nous n'avons pas vaincu, mais nous avons gagné, car le droit à la liberté de l'expression, qui débouche sur le droit à l'information, et le droit à la liberté de la presse sont à l'ordre du jour et portés sur la scène nationale et internationale. Sont coupables par la pensée, la parole et l'action ceux qui ne sont pas intervenus pour défendre la liberté et la justice. Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. L'Algérie a besoin de tout cerveau, capable de penser à autre chose qu'à soi-même. La justice Tout dans le procès de Benchicou est étrange et incompréhensible : les circonstances et la date de l'inculpation, les charges retenues, le contenu de l'acte d'accusation. Il était évident que tôt ou tard Benchicou serait l'objet d'un jugement ou plutôt d'une vengeance. En intentant un procès politique bâclé et grossier, le Pouvoir a montré hâte d'éliminer un adversaire qui constitue une menace pour lui. Mais ce qui frappe, ce sont moins les accusations sans fondement portées contre Benchicou que l'attitude du Pouvoir qui ne s'entoure d'aucune précaution juridique pour sauver les apparences. La perversion du système judiciaire a éclaté au grand jour dans ce procès. Toute la politique judiciaire définie par une chancellerie qui déraille repose sur la négation des droits humains. Le Pouvoir est inspiré par les concepts de revanche, de punition et de vengeance. La justice a été bafouée par des juges qui auraient dû concourir à la faire respecter. Les magistrats ont abandonné la cause des libertés et trahi la justice. Le juge n'est pas un fonctionnaire. Il est au service de la justice et non du Pouvoir. On ne saurait oublier les services que les avocats ont rendus et rendent à la cause de la justice. Ne pas cautionner une caricature de justice, quelles que soient les positions politiques prises par Benchicou, et, surtout, si nous ne les partageons pas, est un droit et un devoir. Pas de liberté pour les ennemis de la liberté El Hadi Chalabi et Khaled Sator ont repris à leur compte la formule de Saint Just : «Pas de liberté pour les ennemis de la liberté», qui a ouvert la voie à tous les excès, toutes les déviations, et a révélé par la suite ses fruits empoisonnés qui expliquent la logique de l'exclusion, qui n'est pas une opinion, mais un crime. Saint Just a choisi la terreur. La démocratie a choisi la liberté. Cette idée «pas de liberté pour les ennemis de la liberté», qui interdit la liberté pour ceux qui pensent autrement, nous donne froid dans le dos, et de très nombreux Algériens partagent ce frisson.