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“Le pouvoir a condamné par la vengeance”
Me Ali Yahia Abdenour, le président de la LADDH, à Liberté
Publié dans Liberté le 20 - 06 - 2004

Me Ali Yahia Abdenour, revient dans cet entretien sur les véritables raisons de l'incarcération de Benchicou et de Hafnaoui.
Liberté : Au lendemain de l'incarcération du directeur du Matin et de Hafnaoui Ghoul, avez-vous pris attache avec les ONG internationales pour les sensibiliser sur les abus d'autorité du pouvoir algérien et ses velléités de musellement de la presse indépendante ?
Me Ali Yahia Abdennour : Vous savez qu'à la Laddh, nous avons un principe fondamental : nous refusons la voie de la fatalité, de la résignation et de la démission et nous considérons qu'il faut se battre. Les combats sont gagnés à la fin parce qu'ils n'ont pas failli aux moments les plus difficiles et qu'ils refusent le fait accompli, à savoir l'injustice qui frappe Mohamed Benchicou et Hafnaoui Ghoul. Sur le plan national, nous avons mobilisé les militants des droits de l'Homme pour rejeter ce jugement inique contre les deux journalistes. Nous avons dénoncé la justice qui obéit aux ordres. Quand les juges obéissent aux orientations et aux instructions du pouvoir, les plateaux de la balance, symbolisant la justice, disparaissent pour laisser place au fléau. La Laddh a contacté à plusieurs reprises l'Observatoire international des droits de l'Homme pour dénoncer un pouvoir autoritaire et totalitaire qui a condamné Hafnaoui Ghoul à deux mois de prison ferme mais avec plusieurs procès en cours et Mohamed Benchicou à deux ans de prison ferme. Toutes les ONG internationales de défense des droits de l'Homme ont été informées de ces jugements graves contre la liberté d'expression car l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme retient le droit à l'information et à la liberté d'expression. Ces ONG sont informées que le pouvoir algérien a imposé au peuple algérien un permanent état d'urgence. Avec la Laddh, les ONG internationales ont demandé la levée de l'état d'urgence, car il conditionne la libéralisation du champ politique et médiatique et l'exercice des libertés individuelles et collectives. Si l'état d'urgence était levé, nous aurions organisé des réunions et des marches dans tout Alger pour la libération de Hafnaoui Ghoul et de Mohamed Benchicou.
Quelles sont ces ONG internationales des droits de l'Homme que vous avez contactées ?
L'Observatoire international des droits de l'Homme, la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH), Amnesty International, Humai Right Watch et Reporter sans frontières (RSF).
Quelle lecture ces ONG font-elles des verdicts prononcés contre Benchicou et Ghoul ?
Ces ONG sont informées régulièrement de la situation des droits de l'Homme en Algérie. Elles savent pertinemment qu'il n'y a pas eu réellement de jugement mais bien une vengeance du ministre de l'Intérieur contre Mohamed Benchicou et qu'il y a eu une vengeance du wali de Djelfa contre Hafnaoui Ghoul. Ce n'est pas la justice qui a condamné selon la loi, mais c'est le pouvoir qui a condamné par la vengeance.
Comment ces ONG internationales comptent-elles réagir suite à l'incarcération de Benchicou et de Ghoul ?
Je vous donne l'exemple de l'Observatoire international des droits de l'Homme qui a contacté à plusieurs reprises le président de la République, le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice pour leur demander la libération de Benchicou et de Ghoul. Les autres ONG en ont fait de même. Humain Right Watch, pour rappel, avait du temps de l'incarcération du journaliste correspondant dans la wilaya d'El- Bayadh, Hassen Bouras, pris attache avec le gouvernement américain pour dénoncer cet état de fait. Humain Right Watch a adopté la même démarche lorsqu'il y a eu les arrestations des jeunes de T'kout. Il faut savoir que ces ONG ne restent pas immobiles mais font constamment pression sur leurs gouvernements respectifs. Tout comme elles font pression sur l'Algérie et plus particulièrement sur le président de la République.
Pensez-vous que les pressions internationales de ces ONG peuvent faire reculer le pouvoir algérien dans ses intentions avérées de mettre au pas la liberté d'expression ?
Trois semaines après l'incarcération de Bouras, ce dernier a pu, grâce aux pressions nationales et internationales, être rejugé à la cour de Saïda et être relaxé par la suite. Même si les gouvernements occidentaux privilégient leurs intérêts économiques, les ONG internationales, quant à elles, restent mobilisées avec la presse algérienne.
Le pouvoir algérien et plus particulièrement le président Bouteflika sont très sensibles aux pressions et aux critiques internationales. C'est pour cela d'ailleurs qu'il faut multiplier les pressions internationales pour que la même chose se reproduise avec Benchicou et Hafnaoui.
N. M.


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