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Le cadre général du droit des affaires en Algérie (1re partie)
Publié dans El Watan le 31 - 08 - 2005

La disparition du bloc communiste et le consensus des nations sur un modèle économique unique, sinon uniforme, ont rendu encore plus denses les échanges commerciaux qui, en outre, ne peuvent se concevoir en dehors de leur dimension internationale. L'économie est nationale et aussi internationale. Rien en effet dans les affaires ne peut désormais se décider sans une prise en compte, voire une projection vers l'internationale. C'est tout le sens donné à la problématique de la mondialisation.
Le droit ne peut rester étranger à ce processus. De nouvelles règles du droit des affaires trouvent un champ d'application en dehors des frontières d'un Etat ou alors entre les Etats eux-mêmes. Comme l'économie, le droit des affaires est donc à la fois national et international.
-1. Le droit des affaires, qu'est-ce que c'est ?
Il a longuement été débattu sur la définition qu'il convient de donner à cette matière juridique (Yves Guyon, Droit des affaires, T.I, Economica, Paris, 1992, pp.1-11 ; Manuel Jorge, Droit des affaires, Armand Collin, Paris, 2001, pp.1-10).
Le droit des affaires a notamment été comparé au droit commercial avant que l'on relève que ce dernier ne rende que partiellement compte de la réalité qui est la sienne. Ensuite, il a été proposé de faire le parallèle avec l'expression droit économique. Là encore, on a dû souligner que le droit des affaires peut inclure des aspects qui ne sont pas économiques stricto sensu comme certains domaines choisis du droit administratif. Le droit de l'entreprise a constitué également une autre tentative, car en effet l'entreprise est au cœur de ce qu'entend organiser le droit des affaires.
Toutes ces appellations ne sont pas étrangères à la notion de droit des affaires.
En termes simples, le droit des affaires, c'est un peu tout ceci à la fois, l'économie, le commerce, les relations internationales et c'est surtout l'entreprise comme agent majeur dans le fonctionnement de toute économie. Plusieurs disciplines juridiques distinctes, relevant à la fois du droit privé et du droit public avec cependant une place prépondérante pour le premier, s'entrecroisent et se confondent, car elles contribuent toutes à leur façon à régir le monde de l'entreprise en particulier et l'économie en général.
L'exemple qui suit est représentatif du cadre dans lequel intervient le droit des affaires :
Les ménages travaillent pour les entreprises (prestations de services) ; ils reçoivent de la monnaie épargnent une part (reçue par les institutions financières) dépensent une autre comme consommateurs (qui retourne aux entreprises).
Les entreprises reçoivent de la monnaie en raison des biens vendus ou des services rendus (aux ménages, aux autres entreprises, aux administrations).
Elles peuvent recevoir des biens ou services gratuitement (subventions des administrations, utilisation gratuite du domaine public).
Elles versent de l'argent à leurs fournisseurs (prix des fournitures), aux ménages (salaires), aux associés (dividendes).
Si le solde est négatif, elles font appel aux institutions financières (crédit) ; s'il est positif, elles procèdent à des investissements et font des placements auprès des institutions financières (Elie Alfandari, Droit des affaires, mémentos Dalloz, 3e édition, Paris, 1985, p. 2).
Le droit des affaires intervient à tous les stades de ce circuit :
il régit les différents contrats, établit les divers statuts des agents économiques, règle le sort de l'entreprise en cas de difficultés, définit les conditions d'octroi des crédits, détermine les responsabilités des uns et des autres, oblige à un comportement loyal des opérateurs économiques, etc.
Aussi, pour une bonne connaissance du droit des affaires, est-on ainsi amené à étudier à la fois le droit commercial général, le droit des sociétés, le droit de la concurrence, de la consommation, le droit du travail, le droit fiscal, le droit comptable, le droit financier, le droit des contrats, le droit du règlement des différends, le droit bancaire, le droit pénal, mais aussi le droit civil, par certains aspects le droit administratif et le droit international lorsqu'il a une incidence sur l'économie et les échanges commerciaux. Toutes ces disciplines participent donc de la construction du droit des affaires. Son étude enfin devra donc obligatoirement inclure :
les cadres juridiques de l'économie (monnaie et crédit, concurrence et prix) ;
– les agents économiques (entreprises) ;
– les objets économiques (biens et services) ;
– les activités économiques (production, consommation, distribution).
-2. Le développement relatif du droit des affaires en Algérie
En Algérie, le droit des affaires est à ses tous premiers développements.
Trois raisons essentielles, nous semble-t-il, peuvent l'expliquer :
La première tient au fait que l'économie algérienne, dont il est conçu pour en régir le fonctionnement, n'a pas encore achevé sa mutation engagée depuis maintenant une quinzaine d'années.
Le processus de privatisation des entreprises publiques encore en chemin constitue l'une des motivations essentielles pour la production de règles juridiques nouvelles et une définition plus fine et plus complète du champ d'application de ce droit.
Or, la mise en place des conditions favorables à une économie de marché, dont la privatisation en est la condition sine qua non, se heurte en effet à de nombreux obstacles de nature les plus diverses. Malgré une volonté politique plusieurs fois affirmée, le passé de l'économie planifiée ou collectiviste et ses habitudes bureaucratiques, voire culturelles continuent de peser sur la réussite de cette mutation.
La seconde raison découle des difficultés à faire correspondre la prise en charge par le droit et en particulier par des textes nouveaux appropriés, des exigences nouvelles propres à l'économie de marché. Souvent des textes, pourtant nécessaires, sont promulgués sans que les conditions économiques adéquates ne soient réellement présentes.
L'exemple du marché de la bourse est illustratif de ce phénomène. Une bourse des valeurs mobilières a bien été créée en 1993, mais la réalité, dix ans après, persiste à contredire la volonté du législateur (Décret législatif n°93-10 du 23 mai 1993 relatif à la bourse des valeurs mobilières).
A l'inverse, il arrive que de nouvelles exigences économiques surgissent sans qu'un dispositif juridique vienne en accompagner le bon déroulement. La nécessité de revoir les règles relatives au domaine foncier illustre là aussi une telle situation. Combien d'investissements ne se réalisent pas faute d'assiette foncière ? Qui n'a pas déjà entendu prononcer un tel constat de la bouche de dirigeant politique ou de gestionnaire de l'administration ? La troisième raison enfin est liée à la pratique du droit des affaires. Les instances juridictionnelles et quasi-juridictionnelles, comme le conseil de concurrence par exemple, ont un rôle central à jouer dans le développement de ce droit et la connaissance de ses divers aspects. Aussi et sans préjuger de l'importance ou non des affaires soumises à ces autorités, il y a un fait indéniable que le manque d'informations dans ce domaine est encore loin d'être définitivement comblé. Des initiatives de publication de décisions judiciaires – quand elles existent – ont certes été prises et elles émanent de ceux qui en sont à l'origine, mais elles restent bien insuffisantes. Il serait en effet inutile de convaincre le juriste de l'importance que revêt la jurisprudence dans le développement du droit.
Force est donc de reconnaître que des efforts restent à faire dans ce domaine du droit à la condition toutefois – car l'un va de pair avec l'autre – que les relations d'affaires puissent elles aussi se développer, trouver les meilleures conditions de leur épanouissement et atteindre ainsi le niveau de dynamisme qui caractérise le stade évolué d'une économie de marché.
Existe-t-il pour autant un dispositif légal susceptible de répondre à la réalité de l'économie algérienne d'aujourd'hui résolument engagée dans les règles du marché ?
La réponse est oui, et le but des développements qui suivent est précisément de présenter les aspects les plus manifestes du cadre légal dans lequel évolue le contexte algérien.
-3. La problématique du droit des affaires en Algérie
Les textes sont nombreux. Sont-ils suffisants au regard des besoins de l'économie en pleine réforme ? Assurément non et une réforme de l'économie a nécessairement pour corollaire une réforme du droit. Depuis plus de quinze ans, un nombre considérable de textes est venu renforcer et modifier le dispositif juridique ayant trait à l'économie et au commerce en général. Les domaines les plus divers ont été peu ou prou pris en charge, certains plus que d'autres. Rares cependant sont les secteurs qui n'ont pas fait l'objet d'une loi nouvelle ou d'une refonte ou d'un amendement déterminé. Aujourd'hui encore – et cela sera encore plus vrai demain -, des pans entiers de l'économie et de la société sont au centre des préoccupations du gouvernement. C'est dire combien la mise en œuvre des réformes économiques est profondément attachée à un examen du droit approprié.
Il n'est pas le lieu ici de dresser une liste exhaustive des textes législatif et réglementaire ayant un rapport avec l'économie et l'entreprise. La matière étant vaste malgré «sa jeunesse», un tel exercice serait en outre fastidieux, long et sans intérêt pour la compréhension de la problématique ici en débat.
Il apparaît en revanche plus approprié de faire le choix de certains domaines importants relevant du droit des affaires et d'en dégager les règles les plus fondamentales avec cette possibilité qu'il y a d'autres domaines non-évoqués ci-dessus, qui mériteraient une aussi semblable attention.
Voici donc les domaines du droit qui nous paraissent les plus importants à discuter ici :
Droit des sociétés, y compris les sociétés à capitaux publics
– Droit du travail
– Droit de la concurrence
– Droit du règlement des différends
– Droit pénal appliqué aux affaires
-4. Droit des sociétés, y compris les sociétés à capitaux publics
– 4.1. Les sociétés commerciales
(Salah Mohamed et Zeraoui Farha, Pérégrinations en droit algérien des sociétés commerciales, EDIK, Oran, 2002, 266 pages).
Le siège de la matière se trouve dans le code de commerce (ordonnance n°75-59 du 26 septembre 1975) avec ses principaux amendements (décret législatif n°93-08 du 25 avril 1993 et ordonnance n°96-27 du 9 décembre 1996).
Depuis ces deux amendements en effet, il est possible de choisir entre 7 formes de sociétés commerciales distinctes : la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société à responsabilité limitée, l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, la société par actions, la société en commandite par actions, la société en participation.
A l'exception de cette dernière, toutes sont dotées de la personnalité morale. A cette liste, il faudrait ajouter le groupement doté lui aussi de la personnalité morale.
D'autres textes sont venus expliciter les conditions dans lesquelles les sociétés commerciales peuvent être créés et valablement fonctionner en particulier pour ce qui concerne les modalités d'inscription au registre de commerce, condition subordonnant leur existence. Le dernier en date est constitué par la loi n°04-08 du 14 août 2004 relative aux conditions d'exercice des activités commerciales. Cette nomenclature des sociétés commerciales est à beaucoup d'égards comparable à celle que l'on retrouve dans d'autres ordres juridiques étrangers où il existe cependant des développements plus importants pour chacune de ces formes de sociétés et des alternatives intéressantes à celles-ci.
Pour le droit algérien, et parmi tant d'autres, deux points méritent d'être soulevés ic i:
– La restriction selon laquelle la société en participation ne peut être créée qu'entre des personnes physiques. L'extension de cette forme de société aux personnes morales n'est pas sans intérêt. De nombreuses sociétés, personnes morales, souhaiteraient en effet constituer entre elles une société en participation à l'occasion d'une affaire précise ou d'un projet déterminé.
– Le terme de groupement peut prêter à équivoque. Le Groupement d'intérêt commun (GIC) qui a disparu avec les lois de 1988 sur les entreprises publiques était plus indiqué. Le mot groupement peut signifier n'importe quelle réunion ou association de personnes (une société par exemple ou un consortium) sans que le lien avec l'article 796 du code de commerce puisse être clairement établi. En France, l'expression choisie au titre de l'ordonnance de 1967 est «groupement d'intérêt économique» (GIE).
– 4.2. Les sociétés commerciales à capitaux publics
Depuis 1988, les sociétés à capitaux totalement ou partiellement publics appelées aussi Entreprises publiques économiques (EPE) tendent de plus en plus vers un fonctionnement de droit commun des sociétés. Il y a en effet une quasi-uniformisation de fonctionnement à la fois aux EPE et aux sociétés qui ne le sont pas.
Reste cependant quelques règles mineures qui continuent à les différencier. Elles sont définies dans l'ordonnance n°01-04 du 20 août 2001 relative à l'organisation, la gestion et la privatisation des entreprises publiques économiques.
L'une de ces règles est la possibilité pour l'EPE de mettre en place une organisation sociale distincte du droit commun par le biais d'un acte réglementaire. Une autre situation est la détention par l'Etat d'une action du capital social des EPE ayant fait l'objet d'une opération de privatisation appelée action spécifique (décret exécutif n°01-352 du 10 novembre 2001 fixant les conditions et modalités d'exercice de l'action spécifique).
Cette action spécifique confère au détenteur – l'Etat – des prérogatives exceptionnelles comparables à celles qui sont attribuées à une assemblée générale extraordinaire d'une société de capitaux (articles 2 et 5 du décret). Il faut souligner toutefois que la détention d'une telle action dans les EPE privatisées n'est pas automatique, mais facultative (article 3 du décret).
– 4.3. Les sociétés commerciales à statut spécifique dérogatoire de droit commun
En dehors de celles qui sont soumises au régime ordinaire, il y a des sociétés qui, bien que concernées par le code de commerce, sont régies par certaines règles juridiques spécifiques.
A titre indicatif, nous citerons le cas des Sicav (Société d'investissement à capital variable) définies dans l'ordonnance n°96-08 du 10 janvier 1996 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières OPCVM, SICAV et FCP. Entrent dans cette catégorie également, les banques et les établissements financiers (ordonnance sur la monnaie et le crédit) et les sociétés d'assurance.(A suivre)


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