La prise de position des familles victimes du massacre du 16 juin 1997 ne justifie pas le fait, lit-on dans cette correspondance, dont une copie est parvenue à El Watan, que «nous n'avons bénéficié depuis la date fatidique du massacre d'aucun avantage, encore moins de privilèges, que se targuent les autorités à différents niveaux de nous en avoir octroyé, notamment au douar Louibda où des personnes étrangères ont bénéficié des avantages au nom des victimes du terrorisme». Et d'ajouter dans cette missive : «Les 47 personnes massacrées le 16 juin ont laissé 37 orphelins que nous avons pris en charge et qui souffrent en même temps que nous d'une dramatique situation socio-économique.» Ces représentants dénient à toute association ou organisation le droit de les représenter et encore moins de parler en leur nom. Par ailleurs, les signataires exhortent le président de la République à l'ouverture d'une enquête sur «notre situation qui a été occultée depuis juin 1997». «Pour toutes ces raisons, diront-ils, nous nous sommes retrouvés en toute logique en dehors du cadre de la paix et de la réconciliation et contre cette initiative, tant qu'il n'y a pas eu d'actions de rattrapage pour notre mise à niveau avec les autres familles victimes du terrorisme qui ont vécu la même tragédie que nous et qui ont eu droit à une prise en charge réelle.» A voir de plus près dans cette phase de campagne pour la charte pour la paix et la réconciliation nationale, ces familles victimes du massacre de Louibda, rencontrées pour certaines au village Slim, pour d'autres à Diar Chioukh (wilaya de Djelfa) et deux autres familles dans leurs habitations à Louibda, dans la zone Lekhouil, ont été unanimes à dire que rien n'a changé à leur situation et que c'était le black-out total. En effet, leur situation n'a pas évalué, comparativement à 2002 et 2004 (voir El Watan du 3 avril 2002 et du 7 janvier 2004). «Nos doléances sont restées lettre morte et aucune aide ne nous est parvenue ni en matière de logement ni encore moins d'électricité», nous dira Mohamed Khorchi qui, perdant 3 frères et leurs femmes, s'occupe présentement de 16 neveux orphelins. «Le projet de la charte pour la paix ne nous concerne pas», nous dira Khorchi en réponse à notre question sur ce projet. Moussa Khouil dira : «Je voterai contre cette charte, même si je n'influe en rien sur le scrutin. Comment ne pas réagir de la sorte quand le massacre a endeuillé ma famille, m'a acculé à l'exil, abandonnant mes terres et mon cheptel ? Je suis réduit à l'indigence. J'habite à Slim et je loue à 1500 DA/mois.» Pour sa part, Aïssa Khad, représentant des familles victimes du massacre, qui a perdu son père, sa mère, son frère et sa belle-sœur et se charge de 7 neveux orphelins, dira en substance : «Je ne pardonne pas pour le sang versé par ma famille.» En traversant la plaine Lekhouil, on voit ces habitations en pierre squelettiques, que le soleil a tannées, éparses sur cette vaste plaine, elles qui ont été les lieux où l'atrocité des actes a étouffé tout signe de vie pour ne devenir que des sarcophages de macabres souvenirs. Chaque habitation recèle les traces tangibles de son drame et le décompte macabre de ses victimes. 1re habitation : 3 morts, 2e habitation (famille Khad) : 4 morts, 3e habitation (famille Khouil) : 7 morts et 2 jeunes filles enlevées, 4e habitation (famille Lyazir) : 11 morts, 5e habitation (famille Khorchi) : 16 morts… C'est le même tableau qui est resté figé depuis la survenance de la tragique nuit du 16 juin 1997. Cette tragédie des familles victimes du massacre, qui a été occultée systématiquement pour réapparaître à l'occasion du projet de charte pour la paix, est le fait des autorités locales, notamment l'ex-wali de M'sila. Depuis cette date et à chacune des doléances de ces familles auprès des autorités locales en matière de logement ou d'emploi, il leur est répondu systématiquement de prendre attache avec la presse pour le règlement de leurs problèmes.